Pré­voyance vieil­lesse

16 juin 2022

Le 23 juin 2021, le Conseil fédéral a approuvé le message relatif à la « Stratégie pour le développement durable 2030 (SDD 2030) » . Dans l’axe stratégique national (f) « Garantir sur le long terme la stabilité des systèmes de prévoyance », le gouvernement déclare :

« La stabilité financière des systèmes suisses de prévoyance est assurée malgré l’évolution démographique. La Confédération veille à ce que les propositions de réformes des systèmes de prévoyance visant à garantir l’équilibre financier tout en maintenant le niveau de protection sociale tiennent compte des intérêts de toutes les classes d’âge et respectent le pacte intergénérationnel. Les organes suprêmes des diverses institutions d’assurance sociale sont responsables de la politique de placement de celles-ci. Le Conseil fédéral soutient les institutions de prévoyance dans les efforts qu’elles déploient pour prendre également en compte les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat dans la gestion de leurs fonds. »

En matière de prévoyance, il n’est donc à juste titre pas uniquement question de la dimension écologique de la durabilité (« prise en compte des objectifs de l’Accord de Paris sur le climat dans la gestion des fonds de prévoyance »), mais aussi de la dimension financière ou sociale qui lui est indissociable (« garantie de la stabilité financière des systèmes de prévoyance »).

Dans l’optique du développement durable, une génération ne doit pas vivre au-dessus de ses moyens, car cela génère inévitablement des pertes à la charge des générations futures. La notion d’équité intergénérationnelle résume bien cet aspect dans la prévoyance.

Prévoyance professionnelle et équité intergénérationnelle

En prévoyance professionnelle, les dispositions légales vont pratiquement à l’encontre de l’équité intergénérationnelle : le taux de conversion LPP excessif se traduit pour les institutions de prévoyance par des pertes massives découlant de la conversion en rentes et entraîne en conséquence une redistribution des assurés actifs vers les bénéficiaires de rentes, ce qui est contraire à la logique du système.

Conjugué au renforcement des réserves mathématiques des rentes en cours en raison de la baisse des taux d’intérêt techniques et de l’allongement de la durée de versement des rentes, le financement des pertes dues à la conversion en rentes entraîne, selon les calculs de la Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle (CHS PP), une redistribution de 6,3 milliards de francs environ par an en moyenne sur cinq ans, de 2016 à 2020. Les pertes de conversion en rentes comprises dans ce montant s’élèvent à 1,4 milliard de francs par an environ.

« Intégrer des critères de durabilité complets dans la prévoyance vieillesse, qui tiennent également compte de l’équité intergénérationnelle, est judicieux et contribue à la crédibilité du système. »

Alice Balmer, co-responsable Recherche en développement durable auprès de Forma Futura

La réduction du taux de conversion LPP de 6,8 pour cent à 6,0 pour cent prévue dans la réforme de la LPP atténue les pertes dues à la conversion en rentes, et l’introduction d’une contribution de financement visant à compenser les pertes découlant de la conversion en rentes (art. 17 al. 2 let. g LFLP) et d’une prime correspondante (art. 37 al. 2 let. b LSA) finance en toute transparence les pertes résiduelles.

 

Assureurs-vie privés et prévoyance professionnelle

Les assureurs-vie privés sont depuis toujours fortement engagés dans la prévoyance professionnelle. Fin 2020, les entreprises assujetties à la surveillance de la Finma assuraient près de 250 000 PME et leurs 1 865 000 collaborateurs (pour un total de 4 401 000 personnes relevant de la prévoyance professionnelle).

Quelque 115 000 PME et leurs 726 000 collaboratrices et collaborateurs relèvent de l’assurance complète et 135 000 PME environ et leurs 1 139 000 collaboratrices et collaborateurs de l’assurance de risque, en particulier d’institutions collectives semi-autonomes4.

 Fin 2020, les entreprises assujetties à la surveillance de la Finma assuraient près de 250 000 PME et leurs 1 865 000 collaborateurs (pour un total de 4 401 000 personnes relevant de la prévoyance professionnelle).

À l’heure actuelle, ils ne sont plus que cinq assureurs-vie privés à continuer de proposer des solutions d’assurance complète ; toutes les autres compagnies se sont en effet retirées de ce domaine d’activités en raison de la complexification croissante des conditions d’exercice.

Le nombre de personnes couvertes par les assureurs-vie privés dans le cadre de la prévoyance professionnelle n’a guère évolué au cours des dernières années. En revanche, un transfert massif s’observe de l’assurance complète vers l’assurance de risque : entre 2016 et 2020, le nombre de personnes actives assurées auprès d’une fondation collective relevant de l’assurance complète s’est érodé d’environ un tiers, tandis que celui des personnes assurées dans une fondation collective semi-autonome a plus que doublé dans le même temps.5

Dans le cadre de l’assurance-vie collective, les assureurs-vie privés géraient fin 2020 des placements à hauteur de 186 milliards de francs.6 Concernant le placement de ces capitaux, il convient de se référer aux explications du chapitre 7 Placements de capitaux du présent rapport de durabilité.

Les fondations collectives semi-autonomes créées par les assureurs-vie privés disposaient fin 2020 d’une fortune de placement de plus de 60 milliards de francs. Les conseils de fondation de ces institutions de prévoyance sont responsables de leurs propres stratégies de placement. En matière de placement de capitaux, les assureurs-vie jouent un rôle important et contribuent à ce que ces fondations collectives soient relativement bien notées en termes de durabilité du placement de la fortune (voir par exemple la notation de l’Alliance climatique suisse).

Les solutions d’assurance complète des assureurs-vie reposent depuis toujours sur le modèle du splitting. Cela signifie que pour chaque personne assurée, ils gèrent un avoir de vieillesse LPP et un avoir de vieillesse surobligatoire. Aux fins de détermination de la rente de vieillesse (y compris des expectatives de rentes de survivants), le premier est multiplié par le taux de conversion LPP et le second par un taux de conversion correct du point de vue actuariel, puis les deux rentes partielles sont additionnées.

L’ampleur des pertes dues à la conversion en rentes subies par un effectif d’assurés dépend principalement du montant des avoirs de vieillesse et des taux de conversion, de la structure d’âge de l’effectif concerné et du taux de retrait sous forme de capital.

Afin de limiter les pertes de conversion en rentes dans l’intérêt des clients existants, les assureurs pratiquant l’assurance complète appliquent depuis des années des restrictions concernant la structure d’âge des nouvelles affiliations. Dans la pratique, cela a pour conséquence que les PME affichant une forte proportion de collaborateurs âgés ne peuvent bien souvent plus conclure de solution d’assurance complète.

Comme autre mesure, les assureurs pratiquant l’assurance complète ont annoncé l’application du principe de l’imputation dans le modèle du splitting (ledit « modèle de splitting modifié ») et l’ont déjà partiellement mis en œuvre. Dans ce modèle, les taux de conversion réglementaires sur les avoirs de vieillesse obligatoires sont inférieurs au taux de conversion LPP, actuellement par exemple 6,5 ou 6,2 pour cent. Un taux de conversion correct d’un point de vue actuariel s’applique pour le régime surobligatoire, par exemple de 4,5 pour cent.

Les effets négatifs du manque d’équité intergénérationnelle en prévoyance professionnelle ne se font pas uniquement sentir à long terme, c’est-à-dire qu’ils ne pénalisent pas uniquement les générations futures.

La rente réglementaire résulte de la multiplication des avoirs de vieillesse obligatoire et surobligatoire par le taux de conversion respectivement applicable et de l’addition des deux rentes partielles. Conformément au principe de l’imputation, cette procédure est autorisée tant qu’elle aboutit à une rente supérieure à celle résultant de la multiplication de l’avoir de vieillesse LPP par le taux de conversion LPP. Dans le cas contraire, la prestation doit au moins être versée conformément à la LPP. Les rentes de vieillesse déjà en cours ne sont pas concernées par cette modification.

Les effets négatifs du manque d’équité intergénérationnelle en prévoyance professionnelle ne se font pas uniquement sentir à long terme, c’est-à-dire qu’ils ne pénalisent pas uniquement les générations futures. Les mesures correctives inévitables des assureurs-vie présentent également des inconvénients à court terme, en particulier pour les assurés actuels : offres de solutions non disponibles ou plus complexes.


4 Sources : Statistique 2020 des caisses depension publiée par l’Office fédéral de lastatistique (OFS) ; comptabilité de la prévoyance professionnelle 2020 de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers Finma.

5Source : EPAS, Registre des institutions collec-tives et communes

6Source : Finma, Comptabilité 2020 de laprévoyance professionnelle