Une pro­tec­tion maxi­male des con­som­ma­teurs n’est pas tou­jours une pro­tec­tion op­ti­male

News02 avril 2019

L’assurance privée est l’une des branches les plus fortement réglementées. Michael Müller, vice-président de l’ASA et CEO Suisse du groupe Bâloise, explique les interactions entre réglementation, protection des consommateurs et assurance. Un état des lieux du point de vue des assureurs.

Ce sont deux lois sur les assurances à la fois qui font actuellement l’objet d’une révision: la loi fédérale sur le contrat d'assurance LCA et la loi sur la surveillance des assurances LSA. Oui, l’assurance privée relève de deux lois en propre. Cela fait d’elle l'une des branches soumises à une réglementation des plus strictes. La loi sur le contrat d’assurance régit les relations contractuelles entre l’assureur et ses clients. Elle s’applique d’ailleurs à tous les clients, c’est-à-dire aux particuliers comme aux entreprises. De son côté, la loi sur la surveillance des assurances régit la surveillance. Ceci dans le but de protéger les clients de l’insolvabilité d'un assureur ou de pratiques abusives. Ces deux lois sont complétées par des normes de protection de l’état: l’ordonnance sur la surveillance qui régit les questions de détail de la surveillance ainsi que la Finma qui assume la surveillance des assureurs et qui édicte également des dispositions réglementaires sous forme d’ordonnances et de circulaires.

Vizepräsident Michael Müller

Michael Müller est vice-président de l’Association Suisse d’Assurances ASA et CEO Suisse du groupe Bâloise.

Les lois et les règles de protection constituent un corpus réglementaire dense en faveur de la protection des clients. Les preneurs d’assurance bénéficient d’une protection particulière, car les assurances sont des produits de nature juridique complexe. Pour nous, assureurs, la relation de confiance avec nos clients est absolument primordiale. C’est également la raison pour laquelle nous avons pris l’initiative de notre propre chef de compléter les règles de protection de l’état par des mesures spontanées:

  • L’ombudsman de l’assurance privée et de la Suva répond gratuitement et en toute neutralité aux questions relevant du droit des assurances et agit comme médiateur entre les clients et les assureurs en cas de litiges.
  • De son côté, le label de qualité «Cicero» créé par le secteur de l’assurance atteste d’un conseil de qualité élevée. Les conseillers en assurance certifiés Cicero sont tenus de suivre régulièrement des formations afin d’être toujours en mesure d’offrir un conseil répondant aux besoins de leurs clients.

Nous prenons très au sérieux les besoins de nos clients, car ils constituent notre cœur de métier. En cas de vides juridiques, la branche apporte son aide. Et elle donne suite aux requêtes pertinentes des consommateurs. Last but not least : des clients satisfaits sont également un avantage concurrentiel de taille. Quiconque entend réussir sur le marché ne peut se permettre de négliger la protection des consommateurs. Toutefois, nous nous élevons aussi contre les dispositions réglementaires qui induisent des coûts élevés sans réel avantage pour le client. En effet, la meilleure protection qui soit n’apporte rien de plus aux consommateurs si elle se traduit par un renchérissement disproportionné des produits. Voici quelques exemples concrets de la manière dont nous soutenons, ou pas, les revendications en faveur de la protection des consommateurs.

Renforcement des droits des consommateurs

La période de consultation relative à la révision de la loi sur la surveillance des assurances LSA s’est terminée fin février. Dans sa prise de position, l’ASA soutient certaines requêtes des consommateurs. Par exemple:

  • Un document d'information clé est sensé améliorer l'intelligibilité des produits d’assurance-vie complexes.
  • Avec la vérification du caractère approprié, le conseiller en assurance est tenu de vérifier si un produit complexe d’assurance-vie est approprié et adéquat pour le client.
  • En outre, les obligations d’information des intermédiaires d’assurance à l’encontre des clients sont élargies. Ils doivent par exemple préciser s’ils sont liés, c’est-à-dire s’ils travaillent pour le compte d'une assurance en particulier, ou s’ils ne sont pas liés, donc indépendants. Ils doivent également rendre compte de leurs compétences professionnelles, puisqu’ils sont tenus de fournir des renseignements sur leur niveau de formations initiale et continue.

La loi sur le contrat d'assurance LCA est en cours de discussion au Parlement. Là encore, les assureurs soutiennent certains points qui contribuent à l’élargissement des droits des consommateurs. En voici trois exemples:

  1. Avec le droit de révocation, nos clients peuvent dénoncer chaque contrat d’assurance dans les 14 jours suivant sa souscription.
  2. Grâce à la prolongation du délai de prescription, les assurés peuvent désormais élever des prétentions jusqu’à cinq ans après un sinistre, contre deux ans auparavant.
  3. Le droit de résiliation ordinaire permet aux clients de dénoncer également les contrats longue durée.

Dispositions réglementaires coûteuses sans valeur ajoutée pour les clients

Les mesures de protection des consommateurs ne sont toutefois pas sans conséquences financières. C’est la raison pour laquelle, nous les analysons et les soupesons soigneusement: apportent-elles une réelle valeur ajoutée au client ? Les coûts entraînés sont-ils proportionnels à l'intérêt pour le client? Les mesures, sont-elles en adéquation avec les principes juridiques, économiques et actuariels? En d’autres termes, sont-elles praticables? A ce sujet, quelques exemples qui, de notre point de vue, ne remplissent pas suffisamment ces critères.

Il s’agit notamment de la divisibilité de la prime, qui est régie dans la LCA. Il est ici question du remboursement des primes déjà versées, lorsque le contrat d’assurance est résilié avant son échéance. Il y a deux exceptions où l’assureur a le droit de conserver la prime résiduelle, et qui font actuellement l’objet de discussions. Première exception: en cas de dommage total suivi d'une résiliation du contrat, le client perçoit la contre-valeur de l’intégralité de sa prime. En cas de vol de voiture, par exemple, un assuré reçoit de quoi racheter un nouveau véhicule. Si les assureurs devaient de surcroît rembourser la prime non écoulée, il faudrait alors qu'ils en tiennent compte dans leur calcul de prime. Seconde exception: si un dommage partiel survient au cours de la première année contractuelle et que le client résilie alors le contrat, l’assureur a également le droit de conserver l’intégralité de la prime. Cela lui permet de couvrir, du moins partiellement, les frais entraînés par la conclusion du contrat, comme les coûts de l’examen du risque ou encore les frais administratifs liés à l’établissement de la police. Si cela n’était plus possible, les assureurs devraient alors relever les primes afin que, dans de tels cas, leurs coûts soient aussi amortis à l’avenir.

Un autre exemple porte sur la nouvelle disposition de la LCA qui a fait pas mal de vagues ces derniers mois: il s’agit de la disposition en vertu de laquelle le client a le droit de résilier le contrat lorsque son assureur modifie les conditions d’assurance. A ce sujet, je rappelle que les adaptations des conditions contractuelles sont aujourd’hui déjà possibles et largement répandues dans d’autres branches également. Il faut que les conditions d’assurance puissent être adaptées puisque les contrats longue durée en particulier, légion dans la branche de l’assurance, peuvent se retrouver dépassés par les développements juridiques ou par tout autres développements, comme les nouveaux risques liés aux voitures autonomes et aux cyberrisques. Si une adaptation des conditions d’assurance s’impose et que les assureurs n'ont pas le droit de procéder à une telle adaptation, ils seraient alors obligés de résilier l’ensemble des contrats concernés et de proposer de nouveaux contrats. Ou alors, les assureurs devraient intégrer dès le départ dans leurs calculs de primes des suppléments pour risques supérieurs. Dans les deux cas, les primes s’inscriraient à la hausse.

Le projet de LCA mis en consultation prévoyait toutefois l’interdiction de toute adaptation des conditions contractuelles. Dans notre prise de position, nous nous sommes prononcés contre cette interdiction. Aucune autre branche ne connaît une telle prohibition. Dans son message, le Conseil fédéral a supprimé l’interdiction, mais a maintenu le droit de résiliation pour les clients. L’affaire est maintenant entre les mains des politiques. L’important pour nous, c’est qu’aucune interdiction de l’adaptation des conditions d’assurance ne soit inscrite dans la loi. Ceci compliquerait l’assurabilité de certains risques et rendrait les couvertures encore plus chères

Trouver le juste équilibre entre les coûts des nouvelles mesures et leurs avantages

Parmi les nombreuses mesures de protection des consommateurs sujettes à discussion, j’ai sélectionné quelques exemples pour expliquer la position de l’Association Suisse d’Assurances ASA et, ainsi, celle des assureurs privés. Puisque les mesures de protection des consommateurs ne sont pas gratuites, nous sommes obligés d’en soupeser les avantages et les inconvénients. En effet, les clients n’ont aucun intérêt à ce que les produits atteignent des prix exorbitants; les consommateurs ne sont pas vraiment enclins à payer plus pour davantage de protection. C’est ce que confirme également une enquête de l’Institut d’économie de l’assurance de l’université de St-Gall.

Stratégie 2020–2024 | Réglementation et surveillance

En premier lieu, il faut veiller au libre jeu de la concurrence. Lorsque cela est nécessaire, l’ASA exige des dispositions réglementaires mesurées afin de garantir des bases stables et une certaine marge de manœuvre dans toutes les branches de l’assurance.

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Commentaire de Michael Müller