Le pou­voir des­truc­teur de l’eau

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Comment un orage et un drame dans un refuge pour animaux ont modifié le canton de Schaffhouse

En 2013, une tempête provoque des dommages dévastateurs dans le canton de Schaffhouse. Une quarantaine de bêtes se noient dans un refuge pour animaux. Le centre d’entretien routier cantonal se retrouve sous les eaux et quelque 530 autres bâtiments au total sont endommagés. Les dégâts sont principalement à mettre au compte du ruissellement. Une catastrophe riche d’enseignements.

C’est une nouvelle qui brise le cœur de tous les amoureux de nos amis les bêtes: le 2 mai 2013, un front orageux s’abat sur le canton de Schaffhouse. Au premier abord, rien d’inquiétant. Or, ce jour-là, les forces de la nature laissent libre cours à leur pouvoir destructeur. Le refuge pour animaux du canton est touché de plein fouet. Les photos prises par la police montrent l’ampleur des masses d’eau et laissent deviner les drames qui se sont joués à l’intérieur des bâtiments.

L’eau est montée jusqu’au toit. En essayant de sauver des animaux, les employés du refuge ont mis leur propre vie en danger et ont dû être hospitalisés en état d’hypothermie. Le triste bilan de la journée s’élève à neuf chiens, onze chats et plusieurs lapins tués. Au total, 40 bêtes sont mortes noyées. Après, rien n’a plus été comme avant. Le choc est profond.

Lorsque l’eau s’est retirée, se sont alors les larmes qui ont coulé. « Jamais on n’aurait pu imaginer une chose pareille possible », déclare aux médias une employée du refuge visiblement bouleversée. « On a toujours pensé que le risque, c’était l’incendie. Que l’eau puisse être à l’origine d’une catastrophe, cela ne nous était jamais venu à l’esprit», ajoute-t-elle. La consternation des habitants est toute aussi grande que leur solidarité : les dons affluent et nombreux sont les volontaires à venir prêter main forte à la reconstruction du refuge. L’accent est alors mis sur la prévention des inondations. Les protégés et leurs soigneurs ne doivent pas revivre une telle catastrophe.

Das Tierheim in Schaffhausen nach dem Unwetter. Copyright: Keystone-SDA/Steffen Schmidt

Le refuge pour animaux à Schaffhouse après la tempête. Copyright: Keystone-SDA/Steffen Schmidt

Un choc et un déclencheur

Pour le canton de Schaffhouse, il y a un avant et un après la tempête de mai 2013. C’est l’une des plus importantes inondations subies par le canton, explique Jürg Schulthess, responsable du service cantonal des eaux. Outre le drame qui s’est déroulé dans le refuge pour animaux, 530 bâtiments ont été endommagés. La petite commune de Stetten a été la plus durement touchée. Même le centre cantonal d’entretien routier s’est retrouvé sous les eaux, ce qui n’est évidemment pas une bonne chose lors d'un tel événement naturel. À lui seul, il totalise 4 millions de francs de dommages. La tempête a entraîné des dégâts de l’ordre de 20 à 25 millions de francs en tout.

Pour les autorités, cette catastrophe a été un choc, mais aussi un déclencheur. Il a fallu cette crue pour regarder la situation de plus près et prendre les bonnes mesures, reconnaît Jürg Schulthess. L’analyse réalisée après cet événement a mis en évidence le fait que 90 pour cent des dommages sont dus au ruissellement. En d’autres termes, ce ne sont pas les crues des rivières et des ruisseaux qui ont généré ces masses d’eau destructrices, mais l’eau qui s’est écoulée sur les terrains dégagés lors d'un épisode de forte précipitation. Également appelé « eau de ruissellement », ce phénomène n’était pas inconnu du canton de Schaffhouse, mais sans avoir de mémoire d'homme jamais pris une telle ampleur jusqu’ici. 

La «carte de l’aléa ruissellement» est publiée

Cette catastrophe et les conclusions tirées ont renforcé la prise de conscience des risques que représente le ruissellement, ceci bien au delà des limites du canton de Schaffhouse. D’après les experts, la moitié des dommages provoqués lors des inondations sont à mettre au compte du ruissellement. Or, les bases juridiques relatives à la prévention des inondations portent essentiellement sur les rivières et les ruisseaux. La carte des zones exposées n’indiquait donc pas les dommages de ruissellement, explique Jürg Schulthess.

Cette lacune est maintenant comblée puisque l’Office fédéral de l'environnement (OFEV), conjointement avec l’Association des établissements cantonaux d’assurance contre l’incendie (AEAI) et l’Association Suisse d’Assurances (ASA), a dressé et publié une carte nationale de l’aléa ruissellement. Cette carte indicative est librement accessible et montre les zones exposées à cet aléa ainsi que la hauteur d’eau potentielle; plus la couleur lilas est sombre, plus les bâtiments concernés et leur environnement sont en danger. L’estimation des risques repose sur une modélisation scientifique et a été déterminée à l’aide d’une méthode uniformisée à l’échelle nationale. La carte sert essentiellement à la sensibilisation et à la prévention. Particulièrement utile pour les propriétaires fonciers qui souhaitent connaître le risque auquel leurs bâtiments sont exposés afin de prendre d’éventuelles mesures préventives, elle constitue surtout une base de planification pour les maîtres d’ouvrage, les urbanistes et les autorités.

Si cette carte avait existé plus tôt, le drame du refuge des animaux n’aurait peut-être jamais eu lieu. Ce triste événement aura au moins servi à impulser l’élan nécessaire à l’élaboration de la carte de l’aléa. Au final, il y aura quand même eu un aspect positif dans tout se malheur. 

Pour consulter la «Carte de l’aléa ruissellement»

Vous trouverez des conseils de prévention sous https://www.protection-dangers-naturels.ch