Pré­voyance vieil­lesse

27 mai 2021

En général, un système économique est considéré comme durable si son exploitation s'inscrit sur la durée (GRI 103-1). D'un point de vue économique, cela signifie qu'une société ne doit pas vivre au-dessus de ses moyens sur le plan économique, car cela génère inévitablement des pertes à la charge des générations futures. 

Dans le contexte de la prévoyance vieillesse, la notion d'équité intergénérationnelle est souvent utilisée à la place de celle de la durabilité. Précis et concis, les termes « génération » et « équité » y concrétisent la durabilité dans ce domaine : une génération ne saurait bénéficier de prestations au détriment des générations futures.

Forte de son système des trois piliers, la prévoyance vieillesse suisse a été considérée pendant des décennies comme exemplaire en comparaison internationale. Or, depuis quelques années, la Suisse ne cesse de reculer dans les classements. Ce phénomène s’explique par le manque de durabilité du système. Le processus de réforme étant bloqué, les paramètres clés sont périmés, ce qui provoque l'instabilité des deux premiers piliers.

Le corpus législatif n’a pas suivi le rythme de l’allongement de l'espérance de vie de la population. Depuis son introduction en 1948, l'âge ordinaire de la retraite pour les hommes a été fixé à 65 ans. Si à l’époque, la rente de vieillesse était versée en moyenne pendant 12 à 13 ans, elle est aujourd’hui due pendant près de 21 ans, et la tendance est toujours à la hausse. Cet âge fixe de la retraite implique que l'allongement de l'espérance de vie se traduit intégralement par une plus longue période de versement de la rente. En dépit de cette espérance de vie élevée, la Suisse est l'un des rares pays d'Europe à ne pas avoir relevé l'âge de la retraite, voire à ne pas avoir sérieusement envisagé de le faire. Plus de la moitié des pays de l'OCDE ont fixé l’âge de la retraite à 67 ans, voire plus, et beaucoup d'entre eux affichent une espérance de vie nettement inférieure à celle de la Suisse.

Dans le premier pilier (AVS), financé par répartition, l'allongement de la durée de perception des rentes, combiné à la diminution constante du nombre de cotisants par bénéficiaire de rente, entraîne une charge financière toujours plus lourde pour la population active. Alors qu'en 1948, l'AVS comptait encore plus de six actifs finançant un retraité, ils ne sont plus que trois aujourd'hui. Selon les prévisions fédérales, il n'y en aura plus que deux d’ici une trentaine d’années. Déjà graves aujourd'hui, les problèmes de financement vont encore s’exacerber au cours des dix prochaines années, lorsque la cohorte des baby-boomers atteindra l’âge de la retraite.
Dans le deuxième pilier (LPP), où les prestations de vieillesse sont financées par capitalisation, le taux de conversion est excessif au regard de l'allongement de l'espérance de vie et de la baisse des taux d'intérêt ; il s’ensuit une redistribution massive étrangère à la logique du système. Cette redistribution s'effectue des assurés actifs vers les bénéficiaires de rentes et s'élève à près de 7 milliards de francs par an. La redistribution réduit la rémunération des avoirs de vieillesse des assurés actifs et, par ricochet, rabote leurs futures prestations de vieillesse.

Dans ce contexte, le Conseil fédéral a mis en consultation le 4 novembre 2020 son projet de « Stratégie pour le développement durable 2030 ». Dans l'axe stratégique national (f) « Garantir sur le long terme la stabilité des systèmes de prévoyance », le gouvernement déclare :

« La stabilité financière des systèmes suisses de prévoyance est assurée malgré l’évolution démographique. La Confédération veille à ce que les propositions de réformes des systèmes de prévoyance pour garantir l’équilibre financier tout en maintenant le niveau de protection sociale tiennent compte des intérêts de toutes les classes d’âge et respectent le pacte intergénérationnel. »

Le fait que les premier et deuxième piliers de la prévoyance vieillesse ne sont pas articulés de manière durable est connu depuis un certain temps. Les mesures à prendre sont également très claires. Par exemple, dans le rapport par pays 2019 de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les experts internationaux recommandent à la Suisse de prendre les mesures suivantes :

  • fixer l'âge légal de la retraite à 65 ans pour les deux sexes comme prévu, puis le porter progressivement à 67 ans et l'indexer ensuite à l'espérance de vie ;
  • revoir à la baisse le paramètre utilisé pour calculer les rentes (le « taux de conversion minimal ») et en faire un paramètre technique plus souple fixé par ordonnance ;
  • mettre à profit la conférence annuelle sur le thème des travailleurs âgés pour trouver les moyens d'introduire une plus grande souplesse dans le mécanisme de fixation des salaires et de réduire la rémunération en fonction de l'ancienneté ;
  • atténuer la progressivité des taux de cotisation de retraite en fonction de l'âge ;
  • permettre aux individus de compenser toute interruption dans l'acquisition de leurs droits à retraite en continuant à cotiser après 65 ans.

 

La réforme de la prévoyance vieillesse est incontournable et urgente (GRI 103-2). L’ASA estime que les mesures visant la stabilisation de l’AVS et de la LPP doivent avancer et être appliquées le plus rapidement possible, tout en préservant une vue d’ensemble. Dans la mesure où elles sont compatibles avec l’objectif de la stabilisation, d’autres adaptations peuvent et doivent être entreprises dans un souci de modernisation afin de répondre aux nouveaux besoins. 

Dans la réforme actuelle de l'AVS (« AVS 21 »), cela se traduit concrètement par les mesures suivantes :

  • âge de référence de 65 ans pour les femmes et les hommes,
  • augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée de 0,3 point de pourcentage.

 

Dans la réforme de la LPP en cours, les mesures suivantes sont prévues ou indispensables :

  • réduction du taux de conversion LPP à 6,0 pour cent,
  • introduction d'une contribution de financement visant à compenser les pertes découlant de la conversion en rentes,
  • mesures pour la génération de transition,
  • meilleur traitement des bénéficiaires de rentes à faible revenu et en particulier des employés à temps partiel (surtout des femmes),
  • aplanissement de l’échelonnement des bonifications en fonction de l’âge.

 

Outre ces mesures de stabilisation et de modernisation, d'autres réformes s’imposent afin de rendre l'AVS et la LPP durables (GRI 103-2). L’ASA signale depuis des années qu’à cette fin, les différents paramètres (âge de référence de départ à la retraite, taux de conversion LPP, taux d’intérêt minimal LPP) doivent être définis en tenant compte des réalités effectives. En conséquence, elle salue et soutient aussi les propositions politiques ciblant les objectifs suivants :

  • lier l'âge de référence à l'espérance de vie,
  • assurer l'équilibre entre les cotisations et les prestations dans le système de l'AVS, 
  • taux de conversion et taux d'intérêt corrects du point de vue économique dans la LPP,
  • incitations supplémentaires en faveur de la prévoyance privée.