Lettre de session de l’ASA, session d’automne 2025
De bonnes conditions d’exercice pérennisent la compétitivité des assureurs sur le long terme, ceci au bénéfice de l’ensemble de l’économie.
Dans sa lettre de session, l’ASA prend position sur des thèmes politiques d’importance pour les assureurs et qui seront débattus lors de la session d’automne 2025.
Conseil des États
Conseil des Etats et Conseil national
24.046 Loi fédérale sur la transparence des personnes morales et l’identification des ayants droit économiques (Projet 1 et 2)
La Commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-E) a examiné les dernières divergences contenues dans le projet 1 de l’objet considéré. Le 4 juillet 2025, la Commission du Conseil national (CAJ-N) a, par ailleurs, adopté le projet 2 de ce même objet par 15 voix contre 9 et 1 abstention. Celui-ci régit les obligations de diligence des conseillères et des conseillers dans la loi sur le blanchiment d’argent (LBA) et a été élaboré par votre consœur.
L’ASA recommande l’adoption de la loi après prise en compte des différentes requêtes émises par les commissions dans les projets 1 et 2. |
Analyse
(1) Modifications nécessaires de la loi fédérale sur la transparence des personnes morales et l’identification des ayants droit économiques (LTPM) d’après l’ASA – Projet 1
L’ASA soutient la proposition de la CAJ-E de biffer les articles 1 al. 2 let. b, 43 al. 3 let. d et 62 P-LTPM. Il s’agit ainsi de prévenir toute introduction d’obligations d’identification, de vérification et d’annonce des administrateurs, gérants, actionnaires et associés agissant à titre fiduciaire. En conséquence, elle approuve également la proposition de ne pas octroyer à l’autorité chargée du contrôle du registre le droit de consulter les données de ces personnes à partir des systèmes d’informations qui y sont énumérés. Dans ce contexte, la disposition transitoire figurant à l’art. 62 P-LTPM doit logiquement également être biffée.
Par ailleurs, l’ASA soutient le rejet de l’art. 11 al. 3bis P-LTPM ajouté par le Conseil national. L’association estime, en effet, inutile que le Conseil fédéral soit habilité à prévoir que l’office du registre du commerce puisse consulter les données inscrites dans le registre de transparence pour saisir les annonces de modification.
L’ASA soutient l’approbation par la CAJ-E de la version du Conseil national à l’art. 12 P-LTPM. Dans la mesure où les fondations et les associations ne relèvent pas de la LTPM et où l’art. 17 P-LTPM a été supprimé, cela doit être reflété à l’art. 12.
En outre, nous soutenons la proposition de la majorité portant sur le nouvel art. 31 al. 2 P-LTPM qui préconise que les intermédiaires financiers et les conseillers peuvent se fier aux inscriptions figurant dans le registre si les clarifications réalisées en amont sur l’ayant droit économique n’ont révélé aucune anomalie.
(2) Modifications nécessaires de la loi fédérale sur le blanchiment d’argent (LBA) d’après l’ASA – Projet 2
Enfin, l’ASA soutient la demande de la majorité de la CAJ-N portant sur l’art. 2 al. 3bis et 3ter P-LTPM relative à l’assujettissement des conseillères et conseillers à la clientèle. Nous saluons cette modification, car elle clarifie le fait que seuls les conseillères et conseillers à la clientèle exerçant à titre professionnel, c’est-à-dire pour compte propre, sont assujettis à la LBA. Il serait effectivement absurde que les membres du personnel des banques et des assurances soient également soumis à la LBA lorsqu’ils exercent des activités de conseil dans le cadre de leur contrat de travail dans la mesure où cela reviendrait à introduire une surveillance double: surveillance des employeurs et surveillance des employés.
Date: Conseil des Etats – lundi 10 septembre 2025 (Projet 1)
Conseil national – jeudi 11 septembre 2025 (Projet 1 et 2)
Conseil national
24.4597 Mo. Ettlin. Mettre en place un accès standardisé aux données de prévoyance personnelles
Conseil des États
24.056 LAA (Mise en œuvre de la motion 11.3811 Darbellay « Pour combler les lacunes de l'assurance-accidents »). Modification
La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E) a adopté la mise en œuvre par 8 voix contre 3 et 1 abstention. Auparavant, elle était entrée en matière sur le projet par 9 voix contre 2 et 1 abstention.
L’ASA recommande de ne pas entrer en matière sur le projet (= se conformer à l’avis de la minorité de la CSSS-E). |
Position de l’ASA
L’ASA rejette le projet. La solution évoquée par la motion est censée combler les lacunes de couverture des personnes qui ont subi un accident pendant leur enfance, leur adolescence ou au début de l’âge adulte et qui sont victimes d’une rechute ou de séquelles tardives à un moment où elles sont assujetties à la LAA. Nous restons d’avis que la volonté de combler des lacunes dans quelques cas isolés ne saurait justifier un remaniement systémique de la LAA de l’ampleur de celui envisagé ici.
Analyse
Dans le souci de combler des lacunes pour un cercle restreint de personnes, un tel amendement entraînerait un remaniement massif de la LAA. Cette dernière (dans sa version actuellement en vigueur) couvre l’ensemble des conséquences d’un accident. Les frais médicaux, les indemnités journalières et les rentes sont pris en charge par la LAA et coordonnés entre eux, pour autant qu’il existe un lien de causalité naturelle et adéquate avec l’accident. Cette solution cohérente est aujourd’hui remise en cause.
La modification de la loi génère en outre de nouvelles inégalités de traitement. Elle pénalise les personnes victimes d’un accident après l’âge de 25 ans révolus alors qu’elles n’étaient pas assujetties à la LAA à ce moment-là. Il s’agit par exemple de personnes en congé parental, de personnes qui suivent des études ou une formation continue ou encore de personnes en congé sans solde. Nous considérons inacceptable le fait d’avantager un cercle restreint de personnes.
Le remboursement des frais médicaux par la LAMal et le versement des indemnités journalières par la LAA consistent en un mélange des genres, car ils impliquent l’intervention de deux systèmes de sécurité sociale différents. L’assurance de base découlant de la LAMal rembourse les prestations selon un catalogue exhaustif, avec franchise et quote-part à la charge de la personne assurée. La LAA repose en revanche sur le principe des prestations en nature sans participation aux coûts de la part de la personne assurée. Pour se conformer à cette modification de loi, les deux assureurs se voient obligés de collaborer, ceci en dépit de leurs différences de fonctionnement, ce qui implique un travail d’éclaircissement important et soulève de nombreuses questions pour les deux parties. Il convient notamment de clarifier quelle influence l’assureur-accidents peut exercer sur le traitement médical adéquat de la personne assurée selon la LAMal.
Est réputée accident toute atteinte dommageable involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (cf. art. 4 LPGA). Pour qu’il y ait accident, ces conditions doivent être remplies de manière cumulative, et l’événement accidentel doit entretenir un lien de causalité (naturelle et adéquate) avec les répercussions sur la santé. La LAA couvre les rechutes et les séquelles tardives uniquement si le lien de causalité naturelle et adéquate entre l’événement accidentel initial et la séquelle tardive ou la rechute est avéré. Il incombe à la personne assurée d’apporter la preuve de ce lien de causalité naturelle.
Alors qu’il est généralement facile de se procurer des documents et de clarifier les questions de causalité pour les accidents survenus en Suisse à des enfants, des adolescents ou de jeunes adultes, il en va tout autrement dans le cas d’accidents à l’étranger, où cela s’avère généralement impossible. Les explications et justificatifs devant être fournis par la personne assurée (transmission des documents, traductions comprises) et l’assureur (expertises coûteuses pour déterminer l’obligation de prise en charge) sont totalement disproportionnés par rapport à l’objectif visé par la solution. Dans de nombreux cas, les frais entraînés par ces clarifications risquent d’être plus élevés que les indemnités journalières dues.
En résumé
À l’heure actuelle, le marché propose déjà des solutions sur mesure qui couvrent un cercle de personnes bien plus large que celui visé par le projet de loi. Porter atteinte, de manière aussi lacunaire et inconsistante, à une assurance sociale pour un cercle très restreint de personnes, ceci en totale contradiction avec l’interdiction de l’assurance rétroactive en assurance sociale et au détriment des primes ne se justifie donc pas non plus vu sous cet angle.
En conclusion, nous considérons que le projet est inapproprié sous sa forme actuelle et proposons donc de ne pas entrer en matière. Afin de résoudre le problème soulevé par la motion initiale, une solution compatible avec le système de la LAA s’impose.
Date: jeudi 11 septembre 2025
21.082 Code de procédure civile. Modification
Après que le Conseil national a décidé de ne pas entrer en matière sur le projet lors de la session de printemps 2025, la Commission des affaires juridiques du Conseil des États (CAJ-E) a suivi le Conseil national par 8 voix contre 5.
L’ASA recommande de ne pas entrer en matière sur ce projet (= se conformer à l’avis de la majorité de la CAJ-E). |
Analyse
L’ASA rejette le projet visant l’introduction d’actions collectives comme partie d’une alliance plus large. Notre secteur serait doublement touché par le projet: comme entreprises potentiellement mises en cause ainsi que comme assurances responsabilité civile d’entreprises clientes mises en cause.
Selon l’analyse de l’ASA, le projet de loi entraînerait des modifications négatives majeures du système juridique suisse avec des répercussions clairement tout aussi négatives pour la place économique Suisse.
Un regard sur les pays européens montre que l’introduction des actions collectives a conduit à l’émergence et l’affirmation d’une industrie professionnelle des plaintes collectives. Celle-ci alimente une culture juridique procédurière et avide de litiges, que nous devrions absolument éviter en Suisse.
Les actions en justice sont coûteuses, longues et incertaines en termes de résultat. Il existe des instruments alternatifs en matière de règlement des différends, en particulier des instruments extrajudiciaires tels que les services de médiation. Ceux-ci sont davantage appropriés pour les consommateurs, car ils sont (contrairement aux actions en justice) peu coûteux (souvent même gratuits), rapides, facilement accessibles et efficaces, y compris pour des montants plus modestes. En Suisse, il existe actuellement une dizaine d’organismes de ce type, dont la «Fondation Ombudsman de l’assurance privée et de la Suva».
L’ASA recommande de suivre l’avis de la majorité de la commission consultative et de ne pas entrer en matière sur le projet.
Date: jeudi 11 septembre 2025
25.3590 Mo. Mühlemann. Alléger efficacement la charge financière et administrative des clubs sportifs en matière d'assurance-accidents. Réglementation différenciée pour le bénévolat
La motion a été transmise le 12 juin 2025 par le conseiller aux États Mühlemann. Le Conseil fédéral est chargé de soumettre au Parlement un projet visant à modifier la loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAA).
L’ASA recommande le rejet de la motion. |
Analyse
L’ASA comprend le mécontentement suscité par la réglementation en vigueur et le souhait d’alléger la prime d’assurance pour les accidents professionnels des clubs de sports populaires.
L’ASA a participé à l’élaboration d’une proposition réalisable
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’ASA s’est par le passé impliquée activement dans le groupe de travail interdisciplinaire chargé de définir des exceptions pour les sportifs et les entraîneurs des clubs de sports populaires dans l’ordonnance sur l’assurance-accidents (OLAA). Cette proposition prévoyait que les clubs de sports populaires ne soient plus tenus d’assurer contre les accidents professionnels les sportifs et les entraîneurs dont le revenu annuel n’excède pas les deux tiers du montant minimal de la rente de vieillesse AVS annuelle complète (9800 francs en 2023; 10 080 francs aujourd’hui). Si ces personnes avaient bénéficié d’une couverture pour les accidents non professionnels auprès d’un autre employeur, l’accident survenu dans le cadre de la pratique sportive aurait été couvert par l’assureur des accidents non professionnels (ANP) de l’autre employeur. En l’absence d’assureur ANP, les frais médicaux auraient été couverts par l’assurance obligatoire des soins. Pour toutes les autres personnes employées par le club (qu’elles soient bénévoles, à temps partiel ou à temps plein), le club sportif aurait néanmoins dû continuer de souscrire une assurance en cas d’accidents professionnels. Le groupe de travail est parti du principe que cette réglementation aurait considérablement allégé la charge financière des clubs de sports populaires en matière d’assurance des accidents professionnels et de primes associées. Toutes les parties représentées au sein du groupe de travail ont apporté leur soutien à la mise en œuvre de cette disposition dans l’art. 2 de l’ordonnance sur l’assurance-accidents (OLAA) (exceptions à l’obligation d’assurance).
Largement consensuelle, la proposition a été élaborée par l’ensemble des assureurs-accidents (y compris la Suva) et Swiss Olympic, avec le soutien d’un professeur de droit et la connaissance de l’OFSP en sa qualité d’autorité de surveillance des assureurs-accidents. L’ASA demeure persuadée de sa pertinence et regrette qu’elle n’ait toujours pas été mise en œuvre.
La présente approche est inappropriée et contraire à la logique du système
En revanche, l’ASA est extrêmement critique à l’égard d’une adaptation plus poussée, en particulier d’une réglementation spéciale en faveur de la tarification des primes pour les clubs sportifs populaires dans la LAA elle-même. Nous considérons comme dangereuse la tendance croissante à demander l’inscription d’exceptions ad hoc dans la loi.
La LAA risque d’être vidée de sa substance en tant qu’assurance collective et sociale si chaque cas particulier imaginable donne lieu à une nouvelle disposition légale et, ainsi, à une exception. À l’heure actuelle, le processus de détermination des primes est déjà très complexe au regard des exigences à respecter. L’assurance-accidents ne couvre pas un individu, mais un collectif, c’est-à-dire l’ensemble des membres du personnel d’une entreprise. Lors de la détermination des primes, en particulier des primes pour les accidents professionnels, tous les assureurs-accidents doivent tenir compte du fait que l’assurance ne doit générer aucuns bénéfices et que la prime doit être proportionnelle au risque. En la matière, il est indispensable de disposer d’un groupe de risque d’une certaine taille afin de garantir l’équilibre au niveau actuariel. Par conséquent, nous considérons qu’il est impossible d’échelonner les tarifs selon les différentes fonctions exercées au sein de petits collectifs tels que les clubs sportifs populaires reposant sur le bénévolat. L’ASA rejette également l’idée d’un tarif unique pour les clubs sportifs populaires.
Date: jeudi 18 septembre 2025
24.3226 Mo. Hurni. Pour des centres nationaux d’expertises médicales indépendantes
Le 27 juin 2025, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (CSSS-E) est entrée en matière sur le projet par 9 voix contre 1 et 1 abstention, puis l’a adopté au vote sur l’ensemble par 8 voix contre 3 et 1 abstention.
L’ASA recommande le rejet de la motion. |
Exposé de la situation
Le secteur de l’assurance exige des expertises médicales de grande qualité. À première vue, l’objectif ciblé par la motion, à savoir faciliter l’accès à des expertises médicales indépendantes, semble séduisant. Toutefois, il ressort d’une analyse approfondie que la présente motion n’apporterait aucune amélioration qualitative de la situation en matière d’expertises, mais entraînerait une surcharge administrative importante. Elle n’est ni appropriée ni nécessaire pour atteindre les objectifs qu’elle vise.
Analyse
Imprécisions de la motion
Tout d’abord, l’ASA estime qu’il y a une divergence entre le titre ou le texte soumis et les objectifs énoncés dans le développement: le titre et le texte réclament l’instauration de «centres d’expertises médicales indépendantes». Dans le développement, en revanche, il est question d’«un centre indépendant d’expertise médicale [..] pour les cas où une expertise doit être remise en question ou lorsque les parties ne s’entendent pas sur l’expert». Il conviendrait tout d’abord de clarifier en quoi consiste exactement la demande. Nous estimons que la motion est inappropriée et inutile pour atteindre ces deux objectifs.
Doutes quant à la faisabilité
Au regard des différentes bases légales considérées (droit des assurances sociales, droit des contrats d’assurance, code des obligations et lois en matière de responsabilité civile), nous estimons qu’il n’est pas possible de mettre en place des centres d’expertise médicale couvrant l’ensemble de ces disciplines avec un haut niveau de professionnalisme. Cela tient d’une part au volume considérable d’expertise nécessaire et, d’autre part, à la variété des dispositions de procédure et des règles sur la preuve applicables en la matière.
L’instauration d’un tel centre n’est pas appropriée pour les expertises qui ne relèvent pas du droit des assurances sociales. Les domaines juridiques et les dispositions en matière de preuve et de procédure applicables aux expertises sont bien trop différents. Par ailleurs, les parties impliquées ont la possibilité, dans de tels cas, de s’entendre sur une expertise-arbitrage ou sur le règlement du litige dans le cadre d’une procédure d’arbitrage. Enfin, les expertises demandées unilatéralement dans les affaires civiles ont une valeur probante moindre devant les tribunaux. En vertu de la jurisprudence, les parties doivent généralement s’entendre sur le choix de l’organisme chargé de l’expertise et sur les questions à poser. Enfin, les expertises peuvent toujours faire l’objet d’un contrôle judiciaire.
Compte tenu de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée en général et du manque d’experts en particulier (cf. également le développement du Conseil fédéral), la question se pose de savoir comment les centres pourraient pourvoir leurs postes d’experts avec du personnel qualifié ou ce qui se passerait en l’absence d’experts disponibles dans un domaine en particulier ou en cas de surcharge des experts en place.
Aucun avantage financier n’est à attendre
Les centres d’expertise étant actuellement financés par les assureurs, l’auteur de la motion met en doute leur indépendance. Il propose comme solution un financement «par l’ensemble du secteur des assurances, comme le modèle des ombudsman». Or, même dans ce cas de figure, le financement serait toujours à la charge des assureurs. La solution proposée ne permet donc pas de résoudre le problème soulevé par l’auteur de la motion.
La qualité des expertises est essentielle
Quelle que soit la nouvelle forme que prendront les centres d’expertise ou le nouveau centre correspondant, la qualité des expertises demeure déterminante. Elle dépend en premier lieu de la formation et des connaissances et compétences de chacun des spécialistes. C’est sur cet aspect qu’il convient de mettre l’accent, ce que permet déjà le système actuel.
Date: jeudi 18 septembre 2025