Po­li­tique

Priorités politiques: Au cours de l’année passée, objets politiques d’importance, révisions de loi et votations populaires ont été au cœur des préoccupations du secteur de l’assurance.
19 juin 2019

Révision de la loi sur le contrat d’assurance

La loi sur le contrat d’assurance (LCA) régit les relations contractuelles entre les compagnies d’assurances et leurs clients. Le 28 juin 2017, le Conseil fédéral a adopté le message relatif à une révision partielle de la LCA. 

Le Conseil national (conseil prioritaire) a procédé à l’examen préalable de cet objet en 2018. Sa commission de l’économie (CER-N) a débuté le traitement du projet le 27 mars 2018 par une consultation. Représentée par Philippe Hebeisen, membre du Comité directeur / CEO de la Vaudoise Assurances, et Thomas Helbling, directeur, l’ASA y a défendu sa position. Le 27 novembre 2018, la CER-N publiait le résultat de son examen préalable.

L’ASA favorable à une révision partielle

Les mesures prises par l’Etat conjuguées à celles prises spontanément par le secteur privé contribuent aujourd'hui déjà à un degré élevé de protection des preneurs d’assurance: ce constat est également confirmé par une étude représentative réalisée en 2016 par l’Institut d’économie de l’assurance de l’université de St-Gall sur la protection des consommateurs vue par les consommateurs. L’industrie de l’assurance est l'une des branches soumises à une réglementation des plus strictes. En conséquence, l’ASA estime appropriée une révision partielle de la LCA telle que prévue dans le projet de message du Conseil fédéral. Celle-ci comprend notamment:

  • L’introduction d’un droit de révocation: ce dernier permet aux clients des compagnies d’assurances de dénoncer chaque contrat d’assurance dans les 14 jours suivant sa souscription.
  • Grâce à la prolongation du délai de prescription, les assurés ont désormais la possibilité d’élever des prétentions jusqu’à cinq ans après un sinistre, contre deux ans auparavant.
  • Avec le droit de résiliation ordinaire, les clients peuvent également mettre un terme aux contrats longue durée à la fin de la troisième année d’assurance.

L’ASA se félicite de ce que la majorité de la commission (CER-N) soutienne le projet de message. Le Conseil national délibèrera sur les différentes propositions en mai 2019.

 

Révision de la loi sur la surveillance des assurances

VVG Faktencheck

Dans sa réponse en date du 28 février 2019, l’ASA a exprimé sa position: elle soutient large-ment la révision telle que proposée dans le projet mis en consultation. Ce dernier comporte diverses améliorations par rapport au droit en vigueur comme la création d'une base légale suffisante pour le test suisse de solvabilité, l’introduction d'un droit de l’assainissement ou l’allègement des dispositions pénales. Par ailleurs, l’ASA estime que des corrections et des compléments sont nécessaires, en particulier pour les points suivants:

  • Définition et garantie d’exigences en fonds propres appropriées pour la place financière Suisse
    Les bases légales relatives à la réglementation des exigences en capital doivent être fixées au regard des derniers développements internationaux portant sur la règlementation des marchés financiers. Lors de leur concrétisation, il est important de créer des bases pour le test suisse de solvabilité qui soient comparables et adaptées aux caractéristiques du marché ainsi qu’à celles des affaires d’assurance. 
     
  • Assurance-vie
    Concernant les affaires de prévoyance professionnelle, l’inscription dans la LSA de la prime garantissant la conversion en rentes pose problème. Par ailleurs, les dispositions relatives aux assurances sur la vie qualifiées ont besoin d’être adaptées.
     
  • Innovation 
    Dans l’intérêt de la compétitivité de la place financière Suisse, les obstacles réglementaires opposés aux entreprises d’assurtech doivent être abaissés. Il faut inscrire dans la LSA une nouvelle catégorie pour ces établissements et les assujettir à une surveillance «allégée» ainsi que déterminer un espace d'innovation pour les toutes petites structures («modèle sandbox»).  
     
  • Garantie de la qualité de la distribution
    L’ASA estime qu’il faut inscrire dans la LSA une obligation de formation initiale et continue qui impose aux intermédiaires d’assurance de fournir les justificatifs correspondants.

Révision totale de la loi sur la protection des données

Datenschutz

Le 15 septembre 2017, le Conseil fédéral a approuvé le message relatif à la révision totale de la loi sur la protection des données (LPD). Cette révision totale a pour but, d’une part, le renforcement de la protection des données en Suisse et, d’autre part, l’adaptation de cette loi aux développements juridiques survenus au sein de l’UE et du Conseil de l’Europe. En 2018, le Parlement a commencé par délibérer sur le pan de la révision portant sur l’acquis de Schengen avant de l’approuver le 28 septembre 2018. Du fait de son appartenance à l’espace Schengen, la Suisse a dû intégrer dans le droit suisse les dispositions portant sur le droit pénal découlant de la directive européenne sur la protection des données du 27 avril 2016 applicable à l’espace Schengen. 
En parallèle, la Commission consultative des institutions politiques du Conseil national (Conseil prioritaire) a démarré la révision totale de la LPD en elle-même.

Le secteur de l’assurance est directement concerné

Le secteur de l’assurance est directement concerné par la LPD, raison pour laquelle la révi-sion de cette loi revêt une très grande importance pour l’ASA:

  • Le traitement des données des clients est indissociable des affaires d’assurance. Les assureurs ont besoin de collecter un certain nombre de données sur les clients, et ces derniers ont besoin que les assureurs traitent les données les concernant: ceci tant à la conclusion d’un contrat (examen du risque et tarification), que pendant la durée contractuelle de l’assurance, en cas de prestations dues ainsi que pour les activités relevant du marketing.
  • En outre, les compagnies membres de l’ASA participent à la distribution des assurances obligatoires dans le domaine de l’assurance sociale.

L’ASA reconnaît que la loi a besoin d’être réformée et recommande donc d’entrer en matière sur le projet. Néanmoins, elle estime que des adaptations sont encore nécessaires et qu’elles devront être intégrées lors de la discussion par article. L’ASA salue le fait que diverses requêtes de la branche des assurances aient été reprises dans le message. Citons par exemple l’introduction d’un conseiller à la protection des données personnelles. La restriction aux délits intentionnels faisait également partie de ses demandes. Toutefois, le projet résultant du message doit encore être adapté en plusieurs points. C’est la seule solution pour que les entreprises puissent appliquer et mettre en œuvre correctement la nouvelle loi dans la pratique: le projet comprend encore un trop grand nombre d’obligations et de devoirs d’information imposés aux entreprises. Par ailleurs, les dispositions pénales devraient être dirigées contre les entreprises et non contre leurs collaborateurs. Un délai transitoire d’au moins deux ans est fortement recommandé afin que les entreprises aient le temps de s’adapter aux nouvelles dispositions légales. Pour finir, les dispositions légales des assurances sociales doivent être harmonisées avec celles de la nouvelle LPD.

Du Projet fiscal 17 à la RFFA

Finanzplatz Steuern

Au regard des développements à l’international, la Suisse est obligée de supprimer les régimes fiscaux existants. Dans le cas contraire, elle risquerait de se voir pénalisée: les ministres européens des finances pourraient décider de l’inscrire sur la «liste noire». Les pays figurant sur celle-ci sont menacés de sanctions au bon vouloir de l’UE, comme le retrait de la reconnaissance de l’équivalence boursière. Le 12 février 2017, les électeurs suisses se sont pourtant prononcés contre la Réforme de l’imposition des entreprises III. Le Conseil fédéral a alors travaillé à l’élaboration d'un nouveau projet. Le 21 mars 2018, il a approuvé le message relatif au projet fiscal 17. Soutenant la réforme, l’ASA a insisté sur son urgence.

Par crainte d'un nouvel échec de cette réforme pressante, les politiques ont intégré un financement de l’AVS dans le projet fiscal. Au cours de la session d’automne, le Parlement a validé ce projet élargi sous l’appellation «loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS (RFFA)». Le Conseil national a adopté le paquet le 28 septembre 2018 par 112 voix contre 67 et 11 abstentions. Le Conseil des Etats a voté la RFFA par 39 voix contre 4 et 2 abstentions. Même si l’ASA a considéré d'un œil critique l’introduction de ce lien artificiel, elle a néanmoins confirmé sa position et approuvé le projet fiscal. Ce dernier demeure urgent et sa mise en œuvre rapide indispensable pour l’attractivité de la place suisse. 

Eléments fiscaux

Relèvent des éléments fiscaux du projet:

  • la suppression des privilèges fiscaux, 
  • le relèvement de l'impôt fédéral à 21,2 pour cent, 
  • la possibilité pour les entreprises transférant leur siège en Suisse d’amortir pendant dix ans les réserves latentes déclarées,
  • la possibilité offerte aux cantons d’assouplir l’impôt sur le capital,
  • la déduction pour autofinancement,
  • le principe de l’apport en capital et
  • les déductions sur la patent box, la recherche et le développement.

Des cercles de gauche comme de droite ont lancé un référendum contre la RFFA. La votation populaire a été fixée au 19 mai 2019 par le Conseil fédéral.

Réforme de la prévoyance vieillesse

Altersreform

Après l’échec de la réforme «Prévoyance vieillesse 2020» en septembre 2017, le Conseil fédéral a annoncé qu’il se prononcerait rapidement sur la suite de la procédure. Il a donc communiqué en décembre 2017 et mars 2018 l’orientation de la nouvelle réforme et précisé ses principaux paramètres, à savoir: 

  • L’AVS et la LPP seront réformées séparément l’une de l’autre. La réforme de l’AVS est prioritaire.
  • Les principaux paramètres de la réforme de l’AVS sont l’âge de référence de 65/65 ans, des mesures de compensation suite au relèvement de l’âge de la retraite des femmes, la flexibilisation de l’âge du départ effectif à la retraite entre 62 et 70 ans, l’encouragement de la poursuite de l’activité professionnelle après 65 ans et l’augmentation de la TVA d’1,7 point de pourcentage au maximum.
  • Les partenaires sociaux ont été chargés de trouver des solutions pour adapter la prévoyance professionnelle aux changements démographiques et économiques.
  • Ils sont censés présenter leurs propositions pour la LPP avant le printemps 2019. Concernant l’AVS, un projet doit être mis en consultation à l’été 2018 et un message approuvé avant fin 2018 pour une entrée en vigueur de la réforme en 2021.

Stabilisation de l’AVS

Conformément à ce calendrier, la Conseil fédéral a ouvert fin juin 2018 la consultation relative à la «stabilisation de l’AVS (AVS21)». Le projet soumis à consultation prévoyait également que l’AVS perçoive désormais un financement additionnel annuel de l’ordre de 2,1 milliards de francs dans le cadre du paquet «Réforme fiscale et financement de l’AVS (RFFA)». Ce scénario reposait sur la décision prise par le Conseil des Etats début juin 2018 en vertu de laquelle le «Projet fiscal 17» devait être complété par un financement additionnel de l'AVS. Dans ce contexte, le Conseil fédéral a donc proposé un relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée de 1,5 point de pourcentage (sans RFFA) à O,7 point de pourcentage (avec RFFA) dans son projet mis en consultation portant sur «AVS 21».

Réforme incontournable et urgente

Le 16 octobre 2018, l’ASA a remis sa prise de position dans le cadre de la consultation relative à «AVS21». Elle y signale expressément que 

  • le projet ne mentionne aucun lien entre l’âge de référence de 65/65 ans et le relèvement de la TVA; 
  • l’introduction de l’âge de référence uniforme est beaucoup trop lente. De ce fait, les économies réalisées ne manqueront pas d’être rapidement absorbées par les «mesures de compensation»;
  • les incitations à poursuivre l’exercice de son activité professionnelle après 65 ans ne sont pas assez prononcées sans compter que les taux de réduction pour retraite anticipée ou les taux d’ajournement indiqués ne sont pas corrects;
  • l’augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée est trop importante.

L’ASA a rappelé une nouvelle fois que la réforme de l’AVS et de la LPP est incontournable et urgente. Plus elle tarde, plus la stabilisation financière et le passage à un financement durable seront difficiles. Il est dès lors fort regrettable que le message relatif à la réforme «AVS21», initialement prévu pour fin 2018, ait depuis été reporté à la fin de l’été 2019.

Représentation ciblée des intérêts

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Une représentation ciblée et efficace des intérêts veille à la préservation de bonnes conditions d’exercice au niveau économique ainsi qu’à leur optimisation et s’engage activement en faveur de la défense des intérêts et des demandes des assureurs privés ainsi que de leurs clients.

L’ASA a renforcé la coordination avec les principales parties prenantes et s’est efforcée d’entretenir un dialogue ouvert sur les sujets majeurs. Les messages d'une seule voix de la branche et l’engagement des membres du comité directeur à Berne ont été reconnus et appréciés. Lors des traditionnelles rencontres parlementaires qu’elle organise en amont des sessions d’été et d’hiver, l’ASA est revenue sur les questions politiques d’actualité avant d’aborder les principaux défis que le secteur de l’assurance va devoir relever dans le futur. 

Engagement de l’assurance

La première rencontre était placée sous le signe des risques naturels. Il s’agissait de montrer aux personnes présentes les différentes répercussions du changement climatique sur la branche et les mesures que le secteur peut prendre pour se prémunir. Résultat d'un projet concret, la «carte de l’aléa ruissellement» y a alors été présentée. Elle a été réalisée dans le cadre d’un partenariat public-privé entre l’Office fédéral de l'environnement OFEV, l’Association des établissements cantonaux d’assurance contre l’incendie (AEAI) et l’ASA.

La deuxième rencontre était consacrée aux chances et aux risques des investissements durables. Le débat public réunissant Jörg Gasser, Secrétaire d’Etat, Guido Fürer, CIO de Swiss Ré, et Reto Kuhn, CIO de la Vaudoise, a été l’occasion de répondre à des questions portant sur le rôle de l’Etat ainsi que sur la contribution des petits et des grands assureurs en vue de la réalisation des objectifs climatiques de l’accord de Paris. Ces représentants de l’industrie de l’assurance se sont accordés sur le fait que la prise de mesures doit être laissée au libre arbitre de chacun, que les directives de placement et les régimes de surveillance mériteraient d’être adaptés et qu’il faut se montrer modéré en matière d’introduction de nouvelles prescriptions. 

Observation en droit des assurances sociales

Betrug

Les assureurs sociaux recourent depuis longtemps déjà à l’observation, lorsque tous les autres moyens de clarification ont été épuisés. Cela permet de protéger les cotisants honnêtes des fraudeurs présumés et de garantir des primes justes pour tous. Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral n’a cessé de fixer des limites aux observations et de définir des lignes directrices en la matière afin de protéger les personnes potentiellement concernées de toutes ingérences abusives dans leur sphère privée. En 2016, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) n’a donc pas critiqué l’observation en tant que telle, mais a uniquement constaté que la Suisse ne disposait pas de bases légales suffisantes pour régir la surveillance des assurés.

L’observation, outil de dernier recours

Un comité référendaire a fait pression contre la loi ainsi promulguée en arguant du fait que cette législation ouvrait la voie à une trop grande ingérence dans la sphère privée. En outre, cela revenait selon lui à légaliser l’instauration d’un Etat policier; tout le monde serait alors touché et les droits fondamentaux ne manqueraient pas de s’en trouver restreints. 

Lors de la campagne référendaire, l’ASA s’est fortement engagée en faveur de cette loi mesurée qui se contente d’encadrer et de rendre transparent ce que le Tribunal reconnaît depuis longtemps comme une pratique légale. L’ASA prône des dispositions légales qui définissent clairement les droits et les devoirs de chacun, reconnaissent la nécessité de l’observation comme outil à utiliser en dernier recours et délimitent un cadre légal qui soit effectivement applicable dans les faits.

Le peuple dit oui

La politique d'information active de l’ASA conjuguée au soutien technique offert par les assureurs privés a rencontré un large écho dans la population. La nouvelle base légale pour la surveillance des assurés a été approuvée en novembre 2018 à une large majorité par 64,7 pour cent des voix. Le secteur de l’assurance bénéficie manifestement de la confiance de la population. L’ASA a bien conscience du souhait des preneurs d’assurance en faveur d'une application mesurée des mesures d’observation, ceci dans le strict respect des dispositions légales.

La teneur des dispositions d’exécution n’est pas encore fixée. Il convient désormais de soutenir le législateur dans son travail de définition de ces dispositions. L’ASA participe volontiers à cette tâche pour que les dispositions d’exécution devant encore être promulguées imposent aux spécialistes de la lutte contre la fraude des exigences qui soient effectivement praticables.

Votations populaires

Bundeshaus - Finma

L’ASA se félicite de la décision des électeurs vaudois qui ont rejeté en mars 2018 l’introduction d'une assurance dentaire obligatoire. Cette initiative n’aurait en aucune façon permis d’améliorer le système. Le Grand conseil avait alors invité l’ASA à participer à une procédure de consultation. Des initiatives similaires ont été déposées dans d’autres cantons en Romandie et au Tessin. L’ASA a également eu l’occasion de s’exprimer devant la commission économique du Grand conseil du canton du Valais.

En novembre 2018, le peuple a dit oui aux détectives sociaux. Grâce à son étroite coopération avec les principaux acteurs économiques et politiques ainsi qu’avec des organisations cantonales lors de la campagne de votation sur les détectives sociaux, l’ASA a largement contribué en novembre 2018 à éviter que le Röstigraben avec la Suisse latine ne se creuse davantage encore.

De nouvelles idées pour nos aînés

Jahresbericht

Article tiré du magazine annuel View

 

« Il faut laisser chacun gagner le paradis comme il l’entend ». Cette maxime bien connue de Frédéric II de Prusse résume l’idée du libéralisme dans sa version la plus concise. 

Dans le domaine de la vieillesse et des soins, ce principe est resté bien trop longtemps lettre morte ; c’est du moins l’impression qu’il donne. La notion « d’entrée dans un home » est aujourd’hui encore pour beaucoup davantage associée à une décision judiciaire qu’à une décision individuelle propre. La maison de retraite a longtemps été synonyme de lieu de fin de vie dans une ambiance morose à la merci du bon vouloir de tiers, de nourriture fade, de journées ennuyeuses devant la télévision et d’horaires de coucher empêchant tout divertissement en soirée. Perspective peu réjouissante, s’il en était, et pourtant fort onéreuse.

De nos jours, cette image est en train de changer pour plusieurs raisons : primo, le vieillissement de la population implique de nouveaux modèles ; secundo, on assiste surtout à l’émergence d'une nouvelle génération de séniors qui sont davantage conscients de leur valeur. Les pouvoirs publics, les institutions et l’industrie de la technique médicale doivent aujourd'hui s’adapter à ces nouveaux développements. Sans compter que les personnes âgées sont un marché en pleine croissance, par ailleurs fort prometteur étant donné l’évolution démographique. 

Cette nouvelle donne oblige les communes à relever de nouveaux challenges. Elles sont directement touchées par le vieillissement de la population, surtout lorsque – comme c’est le cas dans le canton de Zurich – elles sont tenues de contribuer au financement des soins. Bien lui en prend, à celui qui relève ce défi suffisamment tôt !

Un renforcement du domaine pré-stationnaire

La commune d’Horgen, sur le lac de Zurich, s’y emploie depuis des années de façon exemplaire. Dans cette cité lacustre à la population bourgeoise aisée, le vieillissement de la population est abordé avec un esprit ouvert et positif. Une politique de la vieillesse y a été définie dès 1993. Toujours d’actualité aujourd’hui, son idée maîtresse réside dans la préservation de l’autodétermination le plus longtemps possible. Les séniors doivent pouvoir rester vivre à leur domicile aussi longtemps qu’ils le veulent et en sont capables. Cette méthode permet non seulement d’économiser des coûts de soins, mais répond en général aussi aux souhaits des « nouveaux vieux ».

A Horgen, l’objectif suprême de la politique de la vieillesse consiste dans un renforcement du domaine pré-stationnaire, explique le maire Hans-Peter Brunner, directeur de société à Horgen. « Les personnes âgées sont encore trop nombreuses à aller en maison de retraite alors qu’elles pourraient encore très bien vivre chez elles », estime Brunner. Il s’agit là d’un automatisme de l’ancien temps qui génère inutilement des coûts considérables pour la commune. Il faut enrayer ce phénomène en proposant des offres ciblées.

Le dernier né et quasi symbole de la politique d’Horgen pour la vieillesse, c’est l’ensemble résidentiel de Strickler. Sur les hauteurs, avec une belle vue sur le lac, un programme d’habitat intergénérationnel y a été développé depuis deux ans. Deux tiers des 44 logements sont réservés aux personnes âgées de 60 ans et plus ; le reste aux familles. Chaque résident s’engage à se montrer un voisin attentif et bienveillant et à participer à la vie de la communauté.

En d’autres termes : ici, les jeunes et les moins jeunes vivent ensemble et se secondent mutuellement. Une assistante employée par la commune supervise cette aide dispensée entre voisins. Les services professionnels, comme Spitex, n’interviennent que lorsque cela est nécessaire. « L’Etat doit se tenir le plus à l’écart possible de la sphère privée », explique Brunner, qui siège pour le PLR au sein du Grand conseil. Mais il doit mettre en place les conditions d’une cohabitation harmonieuse afin de permettre à tous de mener leur vie comme ils l’entendent. L’ensemble résidentiel de Strickler s’efforce de répondre à ces objectifs. Un groupe intégré d’habitations médicalisées peut accueillir onze personnes ayant besoin de soins et d’assistance 24 heures sur 24. Une demande de permis de construire pour un nouveau projet similaire de 180 logements devrait bientôt être déposée.

L’aide apportée aux résidents est l’un d’entre eux

A vrai dire, les lotissements intergénérationnels ne constituent qu’une partie de la politique d’Horgen liée à la vieillesse. Et c’est bien ainsi. En effet, il ressort du premier bilan intermédiaire sur l’ensemble résidentiel de Strickler que tous les habitants ne manifestent pas un réel intérêt pour la vie communautaire. Les listes d’attente sont pourtant longues et la procédure de sélection des locataires rigoureuse. Par ailleurs, et en dépit des loyers attractifs, le taux de fluctuation est étonnement élevé, surtout chez les jeunes. Ce phénomène interpelle, et ses causes sont à l’étude. 

Quels que soient les enseignements qui pourront être tirés, en matière de politique de la vieillesse, un bon concept repose toujours sur plusieurs piliers. A Horgen, l’aide apportée aux résidents est l’un d’entre eux. Trois assistantes au total se partagent les tâches dans ce quartier et s’occupent des séniors qui habitent encore à leur domicile. Elles soutiennent les personnes âgées dans toutes les questions de la vie quotidienne, leur rendent visite, les aident à nouer des contacts, leur signalent des offres d’activités ou autres et organisent, si nécessaire, un soutien par des professionnels.

Cette assistance est complétée par celle du centre d’accueil Âge et santé, situé au Baumgärtlihof, qui conseille et assiste gratuitement la population sur les questions liées à la vieillesse. C’est là, au milieu du village, que se trouve également le centre de rencontre pour les séniors avec son café. On s'y retrouve pour être ensemble, jouer au jass, aux échecs, planifier des excursions, remplir sa déclaration fiscale ou rédiger un mandat pour cause d'inaptitude. Des cours d'informatique et des cours de langue y sont organisés régulièrement ainsi que des ateliers de réparation lors des Repair-Café, mais aussi des vernissages et des séances de cinéma. Les « chasseurs de pixels », un groupe de photographes amateurs, y ont élu domicile, ainsi que les participants au programme « Zäme go laufe », un projet de l’université de Zurich qui invite les séniors à aller se promener en groupe.

Des principes de la politique d’Horgen

Des offres pour tous, un travail actif auprès des personnes âgées, de l’assistance à l’autonomie, de l’aide entre voisins et du travail bénévole : tout cela découle des principes de la politique d’Horgen liée à la vieillesse dans le but de répondre aux besoins des aînés ainsi que de résoudre le problème de la hausse des coûts des soins. « Le besoin de prestations complémentaires augmente de manière disproportionnée », déclare Hans-Peter Brunner. Et cette situation ne va pas aller en s’améliorant. A Horgen, la proportion des plus de 85 ans devrait atteindre 80 pour cent avant 2030. En conséquence, une politique avisée de la vieillesse dans l’optique d'un financement garanti revêt une importance existentielle. Bien évidemment, les homes ont également toute leur place. Il y en a cinq à Horgen. « Ils font du bon travail et sont efficaces », constate Brunner. Là aussi, la commune surveille les choses de près. Elle est d’ailleurs en train de redéfinir l’ensemble des mandats de prestations confiés aux homes.

Pour ces missions, la commune est la bonne instance, estime Hans-Peter Brunner. Car, c’est sur le terrain que l’on constate directement les évolutions et leurs répercussions financières, cela génère une certaine autodiscipline. Si le financement de l’aide sociale et des prestations complémentaires se situait à un niveau supérieur, l’autodiscipline ne manquerait pas de se relâcher, avec les conséquences évidentes que cela impliquerait. C’est la raison pour laquelle la proximité avec les citoyens est l’idée force de la politique de la vieillesse menée à Horgen. Rien d’étonnant à ce que le maire évoque un « village » lorsqu’il parle d’Horgen. Un village de plus de 22 000 habitants quand même.

Une gestion politique de la prévoyance s’impose

Donald Desax

Portrait
Donald Desax est responsable de la prévoyance professionnelle et membre de la direction générale du groupe Helvetia ainsi que membre de la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle et membre du comité Vie de l’ASA.

Article tiré du magazine annuel View

Par Donald Desax

« Le deuxième pilier est englué dans une crise systémique. La prévoyance professionnelle fonctionne comme un livret d’épargne, c’est-à-dire qu’une fois à la retraite, chacun perçoit ce qui a été cotisé pour lui, intérêts compris. Or, à l’heure actuelle, les intérêts sont largement amputés afin de subventionner les nouvelles rentes, lesquelles ont été définies à un niveau trop élevé. Dans le contexte actuel, il est impossible de générer les rendements nécessaires permettant de financer le taux de conversion en vigueur de 6,8 pour cent. 

Une réforme s’impose d’urgence. En effet, les derniers représentants de la génération dite des baby-boomers prendront leur retraite jusqu’en 2029 et passeront du statut de cotisants à celui de bénéficiaires de prestations AVS et LPP. Un scénario réaliste consisterait à appliquer dès à présent les éléments du projet de réforme rejeté à l’automne 2017 par la population et les cantons, qui étaient pourtant susceptibles de réunir la majorité des voix. Il s’agit du relèvement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans et d’une réduction du taux de conversion à 6,0 pour cent maximum. Il faut, par ailleurs, envisager l’introduction d’une contribution au financement des pertes résiduelles sur le taux de conversion. Une augmentation des bonifications de vieillesse de 13 pour cent en moyenne permettrait de les compenser. A long terme, il faudrait en outre dépolitiser les paramètres techniques que sont le taux de conversion, le taux d’intérêt minimal, sans oublier l’âge de référence pour la retraite. 

D’après la commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle, sept milliards de francs sont redistribués chaque année des actifs vers les retraités. Pourtant, cette crise n’est pas vraiment perceptible. Il relève de la responsabilité des politiques, des partenaires sociaux et des médias d’appeler enfin les choses par leur nom. On n’a pas le droit de faire comme si de rien n’était. Une réelle gestion politique de cette problématique s’impose ! 

Le problème peut être abordé de trois manières : relèvement des cotisations, réduction des prestations et/ou allongement de la durée du travail. Pour un politicien qui doit assurer sa réélection, il ne s’agit toutefois pas là de mesures vraiment populaires. A cela s’ajoute le fait que le système s’est détérioré sur la durée, si bien que les décideurs n’ont eu aucun scrupule à repousser sans cesse le problème. Les politiques représentent souvent des intérêts particuliers. L’âge de la retraite des femmes à 65 ans en est un bon exemple : son relèvement est aujourd'hui lié à la concrétisation de l’égalité salariale. Or, ces deux revendications n’ont absolument rien à voir l’une avec l’autre. 

Par ailleurs, au regard de l’évolution démographique, une discussion s’impose d’urgence sur le mode de financement de la hausse des coûts des soins. La proposition d’Avenir Suisse en faveur d'un capital de soins mérite d’être examinée. Il existe d’autres propositions en vue de l’instauration d'un quatrième pilier, comme une prévoyance-temps gratuite ou une assurance de soins (assurance dépendance). Au regard du vieillissement croissant de la population, la hausse des coûts des soins est une véritable bombe à retardement pour la société. Malheureusement, aucun politicien n’a le courage de saisir ce problème à bras-le-corps. Je ne peux que conseiller chaudement aux jeunes générations de prendre des mesures de prévoyance individuelle ! »

Prévention et non redistribution

Jérôme Cosandey

Portrait
Jérôme Cosandey est directeur romand d’Avenir Suisse. Directeur de recherches en « Politique sociale finançable », il s’occupe principalement de prévoyance vieillesse, de politique de la santé et du contrat intergénérationnel.

Article tiré du magazine annuel View

Au plus tard en 2035, les coûts des soins deviendront un défi majeur pour la société et le contrat de génération en raison de l’évolution démographique. Pour que cette charge ne soit pas répartie sur de moins en moins d’épaules, les actifs de 55 ans et plus sont invités à économiser chaque mois de l’argent pour les soins qu’ils seront amenés à recevoir dans le futur. Le capital de soins individuel peut être transmis par succession en cas de décès. Mais, est-ce vraiment nécessaire ? Jérôme Cosandey d’Avenir Suisse en est convaincu : ce modèle renforce la responsabilité individuelle et soulage le régime des assurances sociales. Or, un tel système ne saurait fonctionner non plus sans une certaine redistribution. 

Monsieur Cosandey, votre proposition en faveur d'un capital de soins obligatoire consiste à introduire une nouvelle épargne forcée. Est-ce là une mesure libérale ?

Jérôme Cosandey : Oui. L’augmentation massive des coûts des soins est un fait inéluctable. Jusqu’en 2045, ceux-ci devraient être multipliés par deux par rapport au produit intérieur brut en raison de l’évolution démographique. Même en termes de prise en charge, les défis à relever sont colossaux. De nos jours, il y a encore douze actifs pour une personne de plus de 80 ans ; à partir de 2035, il n’y en aura plus que sept. C’est la raison pour laquelle, nous avons besoin d’approches libérales pour organiser le futur régime des soins.

Cela n’est-il vraiment possible que par le biais d'une nouvelle cotisation obligatoire ?

Les prélèvements obligatoires sont de toute façon incontournables ; dans le système actuel, ils prennent la forme d’impôts et de primes de caisse-maladie. Avec le capital de soins, l’argent n’est pas « perdu » et n’est pas non plus redistribué. Au contraire, l’argent est placé sur un compte bloqué pour couvrir les futurs besoins de soins de chaque cotisant. La responsabilité individuelle s’en trouve ainsi renforcée. En cas de décès, le capital résiduel peut alors être transmis aux descendants. Cela répond au besoin de la plupart des gens qui veulent laisser quelque chose à leurs enfants.

Et si je n’ai pas envie que mes enfants héritent de ce capital ?

Ce problème existe déjà avec le droit successoral actuel et les réserves héréditaires. 

Lorsqu’il y a une tirelire quelque part, elle fait généralement l’objet de convoitises. Ce capital de soins ne risque-t-il pas d’entraîner une adaptation des coûts des soins à la hausse ?

Le risque existe, c’est sûr. Mais les mécanismes de l’économie de marché veillent à ce que les homes ou les autres prestataires fournissent un travail efficace tout en contenant les coûts. De telles mesures sont déjà appliquées ici et là.

On pourrait penser que les personnes âgées sont un poids pour la société, en particulier pour les communes.

Ce n’est bien évidemment pas le cas. Au contraire : un grand nombre de retraités en bonne santé et mobiles s’occupent par exemple de garder leurs petits-enfants ou de soigner des proches, et sont parfois aussi très engagés au sein de partis et d’associations. Toutefois, il ne faut pas mettre tous les retraités dans le même panier, car ils ne disposent pas tous des mêmes moyens financiers. Près de 20 pour cent d’entre eux sont des ménages millionnaires, sachant que l’argent est la plupart du temps placé dans la maison. En outre, un retraité sur dix environ touche des prestations complémentaires, dont un sur deux vivant en maison de retraite.

En quoi votre proposition peut-elle changer la donne ? Il y aura toujours autant de gens qui n’auront pas les moyens d’épargner ce capital de soin. 250 francs par mois, c’est ce que vous avez prévu pour le premier niveau, ce n’est pas rien pour les petits budgets. C’est une nouvelle fois aux cotisants et aux contribuables de mettre la main à la poche.

C'est vrai. Toutefois, tant que nous n’accepterons pas que des gens dans la rue soient obligés de mener une existence indigne, nous devrons nous montrer un tant soit peu solidaires. Avec notre proposition, cette solidarité intervient de toute façon uniquement de manière subsidiaire, après que le capital de soins ait été consommé. Cela va dans le sens de l’approche libérale. 

Toujours plus d’impôts, des primes de caisse-maladie de plus en plus élevées, un deuxième pilier, l’argent des jeunes redistribué aux vieux – ne nous restera-t-il bientôt plus rien dans notre porte-monnaie à utiliser comme bon nous semble ?

Cette première impression est trompeuse. Même si les prélèvements obligatoires augmentent, nous disposons de nos jours de bien plus d’argent que par le passé. Le revenu disponible ne cesse de croître, chez les « riches » comme chez les « pauvres ». C’est un fait qu'il ne faut pas négliger.

Ce que veulent les assurés

Peter Maas

Portrait
Le professeur Peter Maas est membre de la direction générale de l’Institut d’économie de l’assurance de l’université de St-Gall et coauteur de l’étude « La protection des consommateurs vue par les consommateurs : une étude empirique du marché suisse de l’assurance ».

Article tiré du magazine annuel View

Que veulent les assurés? Pendant longtemps, personne ne le savait vraiment. C’est une étude de l’université de St-Gall réalisée en collaboration avec l’ASA en 2015 qui a permis d’y voir plus clair. Qu’est-ce qui a changé depuis? Le professeur Peter Maas, l’un des auteurs de cette étude, nous répond.

Monsieur Maas, vous avez examiné de près les souhaits et les craintes des assurés. En quelques mots, que veulent les assurés au fond?

Peter Maas: Comme il s’agissait surtout de « Protection des consommateurs », nous avons commencé par poser la question suivante: à quoi avez-vous vraiment droit? D’après John F. Kennedy, vous avez pour commencer le droit à la sécurité ; dans le cas des assurances, on pourrait vérifier si les compagnies sont suffisamment solvables pour honorer leurs engagements à tout moment. Deuxièmement, vous avez le droit à l’information; troisièmement, le droit d’être entendu et, quatrièmement, celui de choisir.

Et qu’en est-il de ces droits? Sont-ils respectés?

Concernant la sécurité, les dispositions réglementaires en vigueur garantissent une bonne protection des assurés. Quant à l’information, nous constatons que nombre de clients se sentent dépassés. Les connaissances en finance et en assurance ne sont pas particulièrement pointues. Un coach numérique pourrait être une solution par exemple. En ce qui concerne le droit d’être entendu, l’ombudsman est une excellente chose. Ceux qui ont eu affaire avec cet organisme en sont contents. Il est vrai que seulement un quart des personnes interrogées ont entendu parler de ce service de médiation. Il faudrait le faire connaître davantage. Pour ce qui est du droit de choisir, nous constatons qu'il faut aussi parler des coûts induits par la réglementation. Lorsqu’une offre n’est plus rentable pour cause de réglementation trop stricte, alors les prestataires se retirent du marché. On le voit bien avec les affaires d’assurance complète du deuxième pilier. Un excès de réglementation peut donc conduire à un resserrement de l’offre, et donc du choix, ce qui n’est pas dans l’intérêt des assurés.

Ce constat a-t-il évolué ces dernières années?

Rien ne permet de dire que les choses ont fondamentalement changé. 

Quelles conclusions en tirez-vous?

D’une part, il est nécessaire de parler des coûts de la réglementation et de sensibiliser les assurés en la matière. Le consommateur est-il prêt à acquitter des primes plus élevées en échange d'une protection accrue? C’est LA question à poser par excellence. D’autre part, l’étude a montré que tous les clients n’ont pas forcément envie d'un même degré de protection, car ils se sentent compétents et responsables.

Si ce sont les prestataires qui se chargent eux-mêmes de l’information aux clients, les conflits d’intérêts ne sont-ils pas inévitables?

Chaque client est responsable de l’image qu’il se fait d'une offre ou d'un produit. Cela participe de la nature de tout contrat. Par ailleurs, la dose de confiance accordée relève également d'une décision individuelle.

Certes, mais l’assurance est un domaine complexe et les connaissances en la matière plutôt limitées. Que pensez-vous des portails comparatifs sur Internet?

Une assurance est un produit individuel. Son prix est fonction de l’âge, de la situation personnelle, du domicile, du mode de vie ou encore du fait que la voiture est stationnée dans un garage ou non. En conséquence, les comparaisons sont difficiles. On compare des choses qui ne sont pas homogènes. Naturellement, de tels portails peuvent donner des idées. Mais ils peuvent aussi induire en erreur. Les palmarès peuvent par exemple être achetés, ou les distorsions ne pas être présentées avec suffisamment de transparence.

Quel rôle peuvent donc jouer les organisations classiques de défense des consommateurs?

Elles ont souvent leur propre programme et elles défendent aussi leurs intérêts propres. De plus, il leur faut régulièrement faire les gros titres et soulever des lièvres pour ne pas tomber dans l’oubli. Elles font sûrement du bon travail, mais il leur arrive aussi de manquer leur cible.

Comment expliquez-vous le fait que la population connaisse si mal les assurances?

Les assurances portent souvent sur des choses que nous préférons refouler: la maladie, les accidents, la mort. En outre, il s’agit là d'une matière complexe. Mais, c’est la même chose dans d’autres domaines, dans le secteur bancaire par exemple. C’est la raison pour laquelle la relation du client avec le conseiller est importante, même si chacun doit avoir bien conscience que le conseiller défend aussi son propre intérêt et qu'il ne propose que ses propres produits. C’est exactement la même chose avec les concessionnaires automobiles. C’est seulement en cas de sinistre que le client pourra alors se rendre compte si son assurance ou son conseiller sont vraiment bons. En Angleterre, il y a eu des cas flagrants de mauvaises prestations de conseil, en particulier dans le domaine des assurances-vie. Certes, le client peut alors difficilement faire valoir son bon droit, mais de telles affaires ne sont pas bonnes non plus pour l'image de la branche. Il est donc recommandé de proposer des services les plus transparents et efficaces possibles.

Que pensez-vous de la qualité du conseil?

La majorité des conseils sont bons. Cela transparaît aussi dans le niveau élevé des marges. Là encore, il y a un revers de la médaille: les mauvaises langues pourraient prétendre que le client paie trop cher.

La concurrence n’est-elle pas assez prononcée dans ce domaine?

Comme partout ailleurs, en assurance aussi, il y a des tendances protectionnistes. Une réglementation dense contribue ici aussi, comme dans tous les autres secteurs économiques, à freiner l’arrivée de nouveaux concurrents sur le marché. C’est presque une lapalissade, mais une concurrence accrue contribue plutôt à générer des gains en efficience et des marges plus petites; elle est donc plutôt une bonne chose pour les consommateurs.

Tout le monde se plaint des primes élevées des caisses-maladie, mais rares sont ceux qui changent de caisse. La concurrence ne joue-t-elle pas un rôle si important que cela en assurance ?

Nombre d’assurés ont vraisemblablement bien compris les règles du jeu. Bien souvent, changer d’assureur n’est pas rentable du fait de la compensation des risques voulue par les politiques. La caisse qui est bon marché aujourd’hui parce qu’elle a bien géré ses affaires sera plus chère demain à cause de la compensation des charges. Ce serait un sujet de recherche intéressant: que vaut-il mieux faire sur la durée, changer ou rester? 

« L’important, c’est d’être neutre »

Martin Lorenzon

L’ombudsman Martin Lorenzon.

Article tiré du magazine annuel View

Le service de médiation des assureurs privés et de la Suva est indépendant et neutre. Créé en 1972 par l’Association Suisse d’Assurances ASA sous la forme d'une fondation, il a été rejoint par la Suva, le plus important assureur-accidents de Suisse, en 2002. Financé par les assureurs privés suisses et la Suva, l’Ombudsman a traité 3192 dossiers en 2018 (-5,3 pour cent par rapport à l’année précédente), dont 53,5 pour cent portaient sur des assurances de personnes. Le montant le plus élevé des contentieux qui aient été traités se montait à 0,6 million de francs. En assurance de personnes, le contentieux moyen affiche entre 10 000 et 30 000 francs. En assurance de dommages, il est généralement inférieur à 10 000 francs.

Monsieur Lorenzon, le service de médiation est-il suffisamment connu ?

Il est clair que nous n’avons pas de budget publicitaire. Mais, les assurés doivent pouvoir nous trouver lorsqu’ils ont besoin de nous. Et c’est garanti. Les services de réclamation ou les organisations de défense des consommateurs nous connaissent. Celui qui cherche un organisme gratuit pour déposer un recours nous trouve sur Internet si l’assureur ne l’a pas déjà directement orienté vers nous.

Quels dossiers atterrissent sur votre bureau ?

La plupart du temps, c’est le montant des prestations qui pose problème ; parfois, c’est un conseil erroné lors de la souscription du contrat. La grande majorité des dossiers concernent des assurances de personnes. Les questions portent en particulier sur les prestations d'indemnité journalière, plus précisément sur la détermination de la durée d’une incapacité de travail. Bien souvent, il s’agit d'un désaccord entre médecins : le dossier comporte deux expertises médicales aux conclusions diamétralement opposées. Les différences sont particulièrement importantes dans le cas des troubles psychiques.

Est-ce une question d’équité et de justice pour les clients ou simplement une question d’argent ?

Nous avons des clients qui se sentent injustement traités. Mais, c’est effectivement généralement une question d’argent. Et celui qui n’obtient pas ce qu’il estime lui être dû se sent victime d'une injustice. L’un ne va pas sans l’autre. Nous avons aussi des clients fidèles qui reviennent par exemple tous les deux ans.

Quel est le problème lorsqu’une personne estime être victime d'une injustice ?

Il arrive qu’elle se sente mal conseillée par le gestionnaire de son dossier. Toutefois, le ressenti personnel en termes de droit ne concorde pas toujours avec les dispositions légales ni avec les clauses du contrat. A nous alors d’expliquer à l’assuré les raisons pour lesquelles, du point de vue du droit, il n’obtiendra pas plus de prestations que celles qui lui sont déjà proposées.

Les problématiques soulevées ont-elles évolué ces dernières années ?

En partie, oui. En assurance d'indemnité journalière en cas de maladie, nous constatons que les assureurs sont beaucoup plus stricts qu’avant en cas de non-respect de leurs obligations par les assurés. 

Que pouvez-vous alors obtenir ?

Un problème peut découler du fait que l’assuré ne s’est pas adressé au bon assureur : la plupart du temps, il se tourne vers l’assureur-accidents, alors que c’est l’assureur d'une indemnité journalière en cas de maladie qui doit intervenir. Lorsque l’assuré reçoit la décision négative lui signifiant qu’il ne s’agissait pas d’un accident, c’est généralement trop tard pour déclarer dans les délais le cas à l’assureur d'une indemnité journalière en cas de maladie. Cela entraîne alors des réductions de prestations. Certes, l’assuré s’est adressé à l’assureur, mais pas au bon. Lorsque les dossiers sont bien documentés, nous arrivons parfois à obtenir quelque chose. Mais, il est clair qu’en cas de non-respect des dispositions contractuelles, et que l’assuré est fautif, ce dernier doit aussi en assumer les conséquences.

Les compagnies d’assurances se montrent-elles parfois coulantes ou indulgentes ?

Je ne parlerai pas vraiment d’indulgence. Il arrive que la situation juridique soit parfaitement claire, mais que quelque chose ait dysfonctionné lors du traitement du dossier. L’assureur a alors plutôt tendance à se montrer accommodant.

Comment arrivez-vous à vos fins ?

L'important, c’est de rester neutre. Nous avons besoin de la confiance des deux parties. Il y a des dossiers où nous sommes obligés de dire à l’assuré qu’il est trop gourmand, mais où nous signifions aussi à l’assureur que son indemnisation est loin du compte.

Quel est votre taux de réussite ?

Dans près de deux cas sur trois, nous arrivons à obtenir une amélioration pour le requérant.

Quelle est la clé de votre succès ?

Bien évidemment, nous avons besoin de ressources financières et en personnel suffisantes. Nous travaillons au sein d’une structure bien établie depuis des années. De la bureaucratie a minima et un interlocuteur direct dans les compagnies d’assurances au niveau de la direction sont des facteurs décisifs qui contribuent à notre succès. Une nationalisation de l’ombudsman compromettrait ce bon fonctionnement.

Le nombre de dossiers évolue-t-il beaucoup d’une année sur l’autre ?

En 2018, nous avons enregistré un recul de 5,3 pour cent.

Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Ces dernières années, plusieurs assureurs ont amélioré leur gestion des réclamations. Cela leur a permis de résoudre eux-mêmes certains dossiers de clients mécontents, lesquels n’arrivent du coup plus chez nous. Mais, au global, le taux de fluctuation reste stable. 

Le droit de choisir s'accompagne aussi d’obligations

Spiegel Jahresbericht 2018

Article tiré du magazine annuel View

 

Pour les clients, il s’agit – espérons-le – d’une mésaventure unique, pour Munir Hoxha, responsable de vente à la « Zurich » de Baden-Dättwil, c’est son lot quotidien : la dépression provoquée par la tempête Bennet balaye la Suisse et fait voler une table de ping-pong depuis une terrasse sur une voiture garée un peu plus bas sur la route. Qui répond de ce dommage ? La propriétaire de la table de ping-pong peut-être ?

En l’espèce, l’assuré aura beau faire des recherches très poussées sur Internet, il risque de ne pas trouver de réponse. C’est un dossier pour son conseiller. Ce sont ces cas-là qui montrent que le besoin d'interlocuteur humain dans la relation clientèle n’est pas encore révolu, même à l’ère du numérique. Au niveau technique, l’avenir sera peut-être numérique. Mais la confiance, les échanges de points de vue, le réseau social, tous ces aspects sont importants entre partenaires commerciaux et ne sont pas facilement « numérisables ». « Nous ne vendons pas uniquement des assurances », déclare Hoxha, « nous vendons aussi des émotions. » Il arrive rapidement à convaincre le propriétaire du véhicule que la propriétaire de la table de ping-pong ne saurait être tenue pour responsable de la destruction de sa voiture. L’assurance de l’automobiliste verse l’indemnisation qui correspond précisément à ce qui effectivement assuré.

« La plupart des dossiers de sinistres ne débouchent pas sur des conflits avec les assurés », affirme Munir Hoxha. D’ailleurs, il est rare que les assurés connaissent exactement les prestations auxquelles ils peuvent prétendre en vertu de leur contrat d’assurance. Et les mauvaises surprises ne sont alors pas exclues. « Les assurés croient souvent que tout est couvert et sont fort étonnés d’apprendre que ce n’est pas le cas », commente Hoxha.

Le constat est le même à la « Vaudoise ». « Lors de la souscription du contrat, le client se focalise surtout sur le montant de la prime et ne pense pas à son coûteux équipement photographique qui doit être couvert par le biais d’une autre assurance ou d’une surprime », souligne Patrick Marro, vice-directeur et responsable du marché suisse allemand. Et pour qu’un sinistre ne se transforme pas en un réveil brutal, rien ne vaut une bonne information en amont. Nous voilà de retour à la case Conseiller. C’est à lui de poser les bonnes questions lors de la souscription du contrat, car le client ne sait généralement pas déterminer ses besoins.

Pour Patrick Marro, les jeunes gens qui évoluent en permanence sur les canaux numériques sont comparativement exigeants lorsqu’ils demandent des informations. En effet, ce groupe affiche une sensibilité extrême au prix ainsi qu’un besoin d'informations particulièrement prononcé. Lorsque le montant de la prime prévaut, il est plus difficile de clarifier les besoins effectifs, explique Marro. L’exact opposé du « Digital native » pinailleur et sensible au prix, c’est en général l’assuré tous risques avec un certain pouvoir d’achat qui apprécie un paquet sérénité tout compris pour lequel il est prêt à payer un peu plus afin de ne pas avoir à s’occuper du moindre détail.

Dans un cas comme dans l’autre, pour Patrick Marro aussi, la relation clientèle ne pose généralement aucun problème. « Dans plus de 98 pour cent des cas, les relations se passent bien et dans un respect mutuel. Il y a rarement des problèmes », résume-t-il. Marro ne comprend donc pas ce souhait des assurés d'une plus grande protection légale ; d’autant plus, que ce surcroît de protection ne saurait être gratuit. Or, un tel surcoût risque de ne pas être non plus du goût des regardants à la dépense.

Ce qui irrite vraiment les clients, estime Marro, c’est la jungle croissante des offres. Produits identiques ou similaires, plusieurs prestataires, primes différentes – même un expert a du mal à s’y retrouver. Ce n’est pas une protection accrue des consommateurs qui pourrait y changer quelque chose, et elle ne le devrait pas. D’ailleurs, une offre abondante de produits est au final une bonne nouvelle pour les assurés. Elle est le signe du bon fonctionnement du libre jeu de la concurrence qui laisse le choix au consommateur. Avoir le choix, c’est l’un des quatre droits fondamentaux du consommateur énumérés par John F. Kennedy et qui sont toujours incontestés aujourd'hui. Mais, comme tout droit s’accompagne aussi de devoir : il ne faut pas négliger le devoir de bien s'informer avant de dire oui. Et ce, quel que soit le canal utilisé.

Le législateur et la technique actuarielle

Versicherungsvertragsgesetz

Face à la tendance actuelle d'un excès de réglementation, surtout en assurance de la responsabilité civile, l’association reste vigilante. L’ordonnance sur les placements collectifs édictait dès 2014 les prescriptions devant être remplies par toute assurance de la responsabilité civile professionnelle. Elle a essayé de déterminer une somme d’assurance censée couvrir toute l’année en permanence un certain pourcentage de la fortune de placement du gestionnaire de fortune, ceci de manière quasi « flottante ». L’ordonnance devait également définir la reconstitution de la somme de couverture concernant les sinistres de l’année en cours ainsi que certaines des conditions engageant la responsabilité. A l’époque, l’ASA a signalé à la Finma, que de telles conditions imposées par le législateur ne manqueraient pas de se répercuter sur l’offre du marché, ce qui est illégal. En effet, des produits risquaient de ne plus pouvoir être proposés pour de simples raisons actuarielles. Les assureurs se sont efforcés d’expliquer que toute prescription technique inscrite dans la loi présuppose l’implication des prestataires correspondants (en l’espèce, les assureurs) dans une procédure de pré-consultation afin qu’ils soient mieux à même d’appréhender leur capacité à assumer les risques. 

Apporter notre expertise

En 2018, lors de la promulgation de l’ordonnance sur les services financiers (OSFin) et de celle sur les établissements financiers (OEFin), un nouveau débat enflammé s’est engagé sur les exigences portant sur le contenu des produits d’assurance à inscrire dans des ordonnances. Les assureurs ne proposent pas tous des produits spéciaux en responsabilité civile professionnelle des professions spéciales. Toutefois, ceux concernés ont bien conscience des limites précises de l'assurabilité en la matière et ont élaboré des directives de souscription en conséquence. Celles-ci reposent sur des valeurs empiriques et la capacité à supporter les risques. Si les prescriptions de nouvelles ordonnances vont trop loin en termes de durée d’assurance, de délai de résiliation, de couverture des risques et de montant de la couverture, il se pourrait que les assureurs ne soient plus en mesure de proposer des produits correspondants sur le marché suisse ou alors uniquement des couvertures très parcellaires. D’une manière générale, l’ASA prône de s’en tenir strictement aux dispositions de la loi sur le contrat d’assurance LCA et de renoncer à tout écart par rapport à celles-ci. En cas de formulation de nouvelles exigences à l’encontre des assureurs du fait d’une situation juridique particulière, ces derniers doivent se voir offrir la possibilité d’apporter leur expertise dès le début de la procédure de consultation.

Système performant et éprouvé

Vernetzt

Article tiré du magazine annuel View

L’année dernière, les électeurs vaudois se sont prononcés sur une initiative cantonale pour l’instauration d'une assurance dentaire obligatoire. L’initiative entendait financer l’assurance dentaire sur le modèle de l’AVS, à savoir par des cotisations salariales et patronales. Lors de la votation du 4 mars 2018, la population s’est prononcée pour le maintien de la solution existante. « Les soins dentaires relèvent de la responsabilité individuelle et de la relation de confiance entre le dentiste et son patient », déclare Dominik Gresch, chef du département de l'assurance-maladie et accidents à l’ASA. Ensemble, ils déterminent les traitements nécessaires et les coûts impliqués. Il s’agit-là d'un pilier important d’un système qui a fait ses preuves. « Par ailleurs, la prévention joue un rôle majeur, lequel aurait été sapé par l’assurance dentaire obligatoire ». Grâce au système actuel, la santé bucco-dentaire des Suisses est l'une des meilleures au monde.

Début 2019, les Genevois ont à leur tour rejeté un projet similaire.