Aide pour les vic­times de l’amiante et leurs proches

Interview

Urs Berger, président du conseil d’administration de La Mobilière et président de la Fondation Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante EFA, explique dans l’interview pourquoi la Suisse a besoin d’un tel organisme. Il lui tient à cœur de rendre le sort des victimes de l’amiante et de leurs proches plus supportable, au moins sur le plan financier.

Considérée jadis comme matériau miracle dans la construction, l’amiante est interdite en Suisse depuis 1990. L’inhalation de sa poussière augmente en effet le risque de mésothéliome, tumeur maligne de la plèvre ou du péritoine au pronostic globalement défavorable.

Monsieur Berger, les frais de traitement des victimes de l’amiante sont couverts par l’assurance-maladie ou l’assurance-accidents, alors pourquoi faut-il un fonds spécial?

Urs Berger: Il ne s’agit pas des frais de traitement de prime abord. En comparaison internationale, la Suisse a en effet de très bonnes solutions d’assurance sociale. Il s’agit plutôt de compenser la perte de salaire et, surtout, d’indemniser le tort moral subi. D’importantes lacunes de couverture se forment, notamment chez les personnes n’exerçant pas d’activité professionnelle. La fondation tente de les combler par des indemnités et compensations. Les victimes sont reconnaissantes que l’on veuille bien, enfin, indemniser financièrement le sort subi sans tort de leur part.

Urs Berger

Urs Berger, président de la Fondation EFA

La Fondation EFA a été créée en mars 2017 et l’amiante interdite comme matériau en 1990 déjà. Pourquoi l’aide aux personnes concernées s’est-elle fait attendre pendant plus de 25 ans?

Aujourd’hui, cela est en effet difficile à comprendre. Il a d’abord fallu la prise de conscience que notre société de valeurs ne peut pas abandonner les victimes à leur sort, mais se doit de les soutenir même en l’absence de prétentions en responsabilité civile. L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne a contribué à ce processus. Il faut rappeler que l’on peut rarement prouver une faute quelconque lors de procès, même si chacun sait que ces maladies ne sont pas imputables à une faute des victimes. Avec le décès de plus d’un demandeur au cours de procès, il était clair qu’il fallait d’autres solutions que l’affrontement juridique. La table ronde sur l’amiante, mise sur pied par le conseiller fédéral Alain Berset, a marqué un tournant. Elle a réuni, pour la première fois, toutes les parties intéressées. Dans le rapport final, celles-ci se sont accordées sur la solution d’une fondation financée par des fonds privés.

Les fonds de la fondation proviennent de dons volontaires de l’économie et industrie, d’associations et d’autres institutions ainsi que de donateurs privés. Est-ce que cela fonctionne?

Les Chemins de fer fédéraux suisses et les assureurs privés suisses, premiers donateurs et cofondateurs, ont fait figure de pionniers. Cela a montré que des grandes entreprises comme les CFF peuvent, lorsque la volonté existe, se décider rapidement. D’autres grandes entreprises doivent encore faire le pas. Trouver des donateurs en passant par des associations est plus difficile. Grâce à des propositions accompagnées et motivées adressant les différentes sociétés, l’ASA a réussi à trouver un catalyseur efficace pour une contribution commune répartie équitablement, permettant de réunir les importants fonds nécessaires sans pour autant trop grever le budget des entreprises concernées. À nous maintenant de convaincre d’autres donateurs potentiels de cette bonne cause pour les victimes en difficultés. À moyen terme, la fondation aura besoin de bien plus de moyens que ceux dont elle dispose aujourd’hui.

L’aide de la fondation est-elle surtout d’ordre financier ou prend-elle aussi la forme de conseil spécialisé?

Si les indemnités et compensations pour la perte de salaire et le tort moral sont essentielles, le soutien psychologique ne l’est pas moins. Le diagnostic d’un mésothéliome frappe soudainement et durement les victimes et leurs proches. Il faut alors un accompagnement humain et de l’aide pratique dans un sens extensif, ainsi qu’un grand soutien psychologique pour gérer la maladie. En collaboration avec les ligues pulmonaires  vaudoise, zurichoise et tessinoise, la fondation a donc instauré un Care Service gratuit, dont le personnel spécialisé donne des conseils sur les possibilités de traitement, les contrôles médicaux, l’alimentation, l’exercice physique ou les questions financières et propose des prestations de soutien psychosocial.

À qui peuvent s’adresser les personnes qui ont besoin de soutien?

Les informations sur les différentes offres d’aide peuvent être consultées sur les sites de la Fondation EFA ou des ligues pulmonaires vaudoise, zurichoise et tessinoise.

Qu’est-ce qui vous pousse personnellement à vous engager dans la Fondation EFA?

En tant que président du conseil d’administration de La Mobilière, je suis habitué à traiter des sujets complexes. J’ai trouvé tentant, avec les fondateurs de la fondation, de faire réussir cette tâche qui semblait pratiquement impossible au niveau de la jurisprudence, de la politique et finalement de la table ronde sur l’amiante. J’ai refusé et je refuse le triste abandon de victimes innocentes. À titre personnel, je suis fier que des groupes d’intérêt très divers aient réussi à s’entendre pour trouver une solution équitable et acceptable d’un point de vue humain et économique, et je suis confiant que notre fondation saura convaincre encore d’autres donateurs. La fondation parvient à fournir de l’aide rapidement, sans bureaucratie et sans devoir désigner un coupable.