La mi­lice suisse – ou: Ce sont les ci­toyens qui font l’Etat

News21 juin 2019

Professeur ordinaire d’histoire moderne à l’université d’Oxford, Oliver Zimmer s’exprime lors de la «Journée des assureurs» 2019 sur l’importance du système de milice pour la Suisse.

«Pour résumer, on pourrait dire: dans le système de milice, ce sont les citoyens – dans le dialogue avec les politiciens professionnels et les experts issus du monde scientifique et des administrations – qui font l’Etat. La vie, y compris la vie quotidienne, s’en trouve ainsi fortement politisée: pas dans le sens de l’appartenance à un parti ou à un autre; plutôt dans celui de l’élévation de la société civile en une force politique. Ceci est inhabituel – tout au moins dans une ampleur telle que celle observée en Suisse. Pour Oliver Zimmer, la particularité du système de milice réside dans l’étroite imbrication de la société civile et de l’Etat.

Professor Oliver Zimmer

Oliver Zimmer, Professeur ordinaire d’histoire moderne à l’université d’Oxford

Or, le système de milice est depuis quelques temps sous pression. D’après Oliver Zimmer, ce développement ne signifie pas pour autant que le système de milice ait atteint ses limites. «Un pays qui donne à ses concitoyens la possibilité d’être des acteurs majeurs en leur permettant de participer activement à la construction de l’Etat est forcément doté d’un grand nombre de qualités, y compris à l’époque de la mondialisation. » Dans son discours, l’historien suisse souligne quatre points forts du système de milice.

  • Il s’agit notamment de l’attitude critique des Suisses à l’égard du système: une démocratie vivante se nourrit des critiques de ses citoyens.
  • Le deuxième point fort du système de milice consiste dans l’affirmation du principe du lieu. Il entend par là le degré élevé d’autonomie dont bénéficient les communes et les cantons qui nous permet en Suisse d’apporter des réponses adaptées à chaque situation de vie des citoyens.
  • Les parcours de vie diffèrent non seulement entre citadins et ruraux, mais aussi en termes de mode de pensée. Le système de milice nous force à sortir systématiquement de nos propres «chambres d’écho».
  • Cela nous oblige à toujours prévoir une pensée alternative.

Oliver Zimmer termine son discours par un appel à prendre la crise du système de milice au sérieux et à lutter pour sa préservation: «Le système de milice politise les citoyens. Ce n’est en soi ni populiste, ni rétrograde. Je dirais plutôt que c’est libéral et démocratique.» Et de conclure: «Car le système de milice adresse en permanence un message à ses citoyens. Ce dernier martèle: ce type d’Etat n’existe que tant que vous, les citoyennes et les citoyens, vous vous y reconnaissez, tant qu’il reste en accord avec vos convictions. Si cette adhésion devait se volatiliser à force de prier pour l’UE, alors ce serait la fin de l’Etat des citoyens.»

Télécharger le discours intégral d’Oliver Zimmer: