Ré­gle­men­ta­tion et du­ra­bi­lité

16 juin 2022

« Autant de réglementation que nécessaire, mais aussi peu que possible. » Pour l’association, ce principe s’applique tout particulièrement au domaine de la durabilité. En fonction de l’objectif visé et du mode d’action, l’intensité de la réglementation se traduit en différentes catégories :

 

  1. protection du bon fonctionnement de la place financière ainsi que protection de l’individu, notamment par l’introduction de prescriptions relatives à la transparence et à la publication ou par une interdiction de l’écoblanchiment (greenwashing) ;
     
  2. pression pour la réalisation des objectifs de durabilité, sans sanctions juridiques, comme l’exigence de plans de transition ou la publication de ratios d’actifs verts (green asset ratios) ;
     
  3. pilotage / orientation (contraignante) vers des objectifs de durabilité excédant l’évaluation des risques, par exemple par l’introduction de facteurs de pénalisation (penalizing factors).

 

Conformément au principe susmentionné, les objectifs de durabilité doivent être atteints en recourant à l’outil (de réglementation) le plus doux. Dans un premier temps, il s’agit essentiellement de protéger le bon fonctionnement de la place financière et les personnes assurées.

Une réglementation mesurée s’abstient de recourir à des éléments directifs sans nécessité absolue. De tels éléments pourraient par exemple conduire à ce qu’en matière de placements, les assurances soient contraintes d’abandonner des domaines d’investissement plutôt que de les soutenir pendant leur transition, ce qui aurait permis d’accélérer ainsi la transformation vers une économie plus durable.

Une réglementation contraignante en la matière peut donc multiplier les risques de transition, voire les induire. En conséquence, il s’agit de mettre en place des conditions d’exercice optimales afin de garantir une économie durable sur les plans financier et écologique avec un minimum de bouleversements.

 

La mesure des risques, le cœur de métierdes assureurs

L’engagement des compagnies prises individuellement ainsi que celui du secteur de l’assurance dans son ensemble prouvent que le cadre réglementaire en vigueur les incite à fournir des efforts en faveur d’une durabilité financière et écologique et à les intensifier. Les assureurs se sont ainsi fixé des objectifs individuels d’investissements neutres en carbone ou ont adhéré à des alliances zéro net. Cette politique se reflète d’une part dans leur gestion des investissements et aussi dans leur cœur de métier, à savoir la prise en charge des risques et leur mesure. Les répercussions du changement climatique sur le secteur de l’assurance (augmentation de la fréquence et de l’intensité des sinistres majeurs) nécessitent une réflexion approfondie sur la gestion des risques. Il convient de noter que le changement climatique ne constitue pas en soi un nouveau risque, mais plutôt un facteur de risque supplémentaire qui se répercute sur les catégories de risques existantes.

Les effets du changement climatique sont donc déjà intégralement pris en compte dans les exigences en capital réglementaires existantes. En dépit des effets du changement climatique, les assureurs sont donc parfaitement bien positionnés, du point de vue financier et de la gestion des risques, pour assumer leur rôle de preneurs de risques pour la société.

Une réglementation supplémentaire en la matière reviendrait à prendre les risques deux fois en compte et se traduirait par un durcissement disproportionné des exigences en capital. Cette immobilisation supplémentaire de capital pourrait même s’avérer contre-productive au regard des efforts fournis aux fins de durabilité, car cela réduirait le volume d’investissement disponible pour les objectifs de durabilité.

 

La transparence, élément déterminant

En ce qui concerne le secteur de l’assurance, les mesures visant à stimuler, voire à piloter la réalisation des objectifs de durabilité ne doivent désormais être utilisées qu’avec retenue. L’accent est mis sur la préservation du bon fonctionnement du marché financier ainsi que sur la protection des individus, lesquelles peuvent être encouragées et atteintes par des prescriptions en matière de publication et de transparence.

Les efforts du Secrétariat d’État aux questions financières internationales (SFI) vont également dans ce sens. Les développements internationaux actuels dans ce domaine méritent d’ailleurs une attention toute particulière. Les normes internationales – par exemple celles de l’Association internationale des contrôleurs d’assurance (AICA) – gagnent en importance, car les dispositions régle-mentaires internationales, notamment celles de la Task Force on Climate-Related Financial Disclosures (TCFD) sont de plus en plus souvent reprises telles quelles dans les lois nationales. Ce phénomène contribue ainsi au renforcement de l’harmonisation des dispositions réglementaires à l’international.

Du point de vue de l’ASA, et dans le souci de préserver la compétitivité de la place financière suisse, il est essentiel que notre pays s’inspire des normes in ternationales appropriées, sans toutefois pratiquer de Swiss Finish en en durcissant les exigences. Il est donc important que la Suisse s’implique au niveau international et participe à l’élaboration de ces normes afin qu’elles respectent les principes d’une économie de marché.

Les efforts de transparence de l’ensemble du secteur financier sont directement tributaires de ceux de l’économie réelle. En l’absence de données et d’informations solides sur la durabilité des industries (notamment relatives aux émissions de CO2), la publication et la transparence reposent souvent sur des estimations.

Pour garantir la protection des assurés et des consommateurs, il est impératif d’intégrer l’économie réelle dans les efforts et les réflexions sur la durabilité. Le responsable du groupe de projet « Finance durable » du SFI, Christoph Baumann, arrive à la même conclusion dans le rapport annuel 2021 de l’ASA : « Pour que la place financière puisse soutenir de manière optimale la transition vers une économie zéro net, elle a besoin de données provenant de l’économie réelle. La transpa-rence climatique des grandes entreprises constitue un élément essentiel du bon fonctionnement des marchés. »